« Un fantôme errant, un pauvre comédien qui se pavane et s’agite une heure sur la scène et qu’ensuite on n’entend plus ». Réplique tirée de Macbeth, et qui définit Carl Äkerblom, inventeur du « Film Vivant Parlant ». Oncle d’Ingmar Bergman dans la vraie vie, ici vieux tyran malade. Dans un hôpital psychiatrique il rencontre, sous le masque d’un clown, la Mort. Et entame avec elle un furieux duel qui le conduit, avec une troupe de comédiens aléatoires - famille, amis - à Granäs. Village où Bergman a passé des moments de sa jeunesse.
Cette fidélité de la mémoire à l’enfant que l’on a été et à l’enfance du cinéma, a retenu Célie Pauthe. Jeune femme qui ne craint pas les sujets dangereux et sait les traiter avec une réconfortante ironie complice. Elle a découvert le texte en 2003, alors qu’elle venait de mettre en scène Quartett de Heiner Müller, furieux duel là encore des deux derniers survivants de l’ultime guerre mondiale. Entre temps et entre autres, elle a monté L’Ignorant et le fou de Thomas Bernhard. L’héroïne étant une cantatrice, la musique y est vitale. A nouveau ici, elle est fortement présente. Le film-spectacle que promène le vieux Carl de village en village devant toujours moins de spectateurs, raconte les derniers jours de Schubert, et c’est lui qui l’incarne. Alors Célie Pauthe a choisi Le Voyage d’hiver.
« La musique, pour moi, est quelque chose de littéralement magique. Celle-ci nous mène à la frontière de la folie, de la mort. Elle apparaît d’ailleurs à la rencontre avec la Mort, et puis par instants réapparaît, accompagnant le voyage des comédiens au dedans des murs d’un théâtre abandonné. Le moindre personnage est essentiel ; et aucun ne sortira de cette expérience tel qu’il est arrivé ».
C’est le génie de Bergman que de donner à chacun une insondable densité humaine. Il a écrit : « L’humain sort de moi comme la pâte dentifrice d’un tube crevé, il ne peut pas rester à l’intérieur de mon corps. » Étonnante image qui traduit la rudesse de Bergman, sa bizarre tendresse, son esprit loufoque, sa terrifiante lucidité.
Musique de Franz Schubert. Avec Hélène Schwartz au piano.
« Conduire ainsi du début à la fin cette représentation fantasmatique des origines du cinéma, sans s’y perdre et sans nous perdre en route, tout en instillant sur scène une ironie à pleurer comparable au tempérament du maître suédois lui-même, ne fut sans-doute pas une sinécure pour la metteuse en scène Célie Pauthe […] la jeune femme se dépatouille de ce projet avec une sacré maestria quant d’autres s’y sont cassé les dents […] Grâce à des images souvent virtuoses rythmées par le Voyage d’hiver de Schubert, grâce au jeu d’acteurs d’une grande sensibilité. Balancement permanent entre l’art et la folie, angoisse de la mort personnifiée par la figure androgyne d’un clown blanc, paradis doux amers de l’enfance : tout cela foisonne et déborde, envahit la scène comme une brillante et macabre sarabande… » Emmanuelle Bouchez, Télérama
« Célie Pauthe s’est fait connaître avec ses fortes mises en scène de "Quartett" d’Heiner Müller et "L’Ignorant et le fou" de Thomas Bernhard. Elle s’attaque à une pièce plus "lourde" (une douzaine d’acteurs) et elle a raison et elle le fait avant tout parce que cette pièce la traverse et au demeurant n’est pas sans écho avec les précédentes. » Jean-Pierre Thibaudat, Rue 89
« Une belle atmosphère, tout en blancs et gris rêveurs, entre chambres et coulisses mélancoliques. » Odile Quirot , Le Nouvel Observateur
« Le spectacle de Célie Pauthe est […] habité d'une belle ambiance crépusculaire, que Bergman n'aurait sans doute pas reniée. » Benoît Fauchet, AFP
« la Création, l’amour, la solitude et la déraison siéent au talent de Célie Pauthe. » Véronique Hotte, La Terrasse
Place Jean Jaurès 93100 Montreuil