Dans l’œuvre de Jean Genet, Splendid’s tient une place à part, presque clandestine. Comme si, en cours de chemin il avait renoncé à cette pièce. Comme s’il ne voulait pas la reconnaître. Pourtant elle est la seule dans laquelle un personnage le représente, en tout cas porte son nom : Jean. C’est l’une des raisons pour laquelle Laurent Gutmann a décidé de la monter.
« Preuve que Genet s’y est totalement engagé. Il l’a commencée en 1949, au moment où déjà célèbre, il est gracié par l’État français, qu’il méprise. Si bien que malgré les délits pour lesquels il n’a pas encore purgé sa peine, il ne retournera pas en prison. Or, sa mythologie se fonde sur deux points : voyou et poète. Et pendant six ans il s’arrête d’écrire.
L’histoire se passe dans un palace : chambres fermées, dédale de couloirs, ce pourrait être une prison. Là se tient une bande de malfrats pris au piège, petits bonshommes perdus dans un univers auquel ils sont étrangers. Dehors la police guette. Quelques-uns veulent se montrer à la hauteur de l’image construite par la société : bandits d’honneur, braves, sans faiblesse. Et puis il y a les autres, parmi lesquels le chef : le fameux Jean. Qui veut affirmer le courage d’être lâche, capituler, sauver sa peau. »
« Arrêtez de fantasmer sur nous, nous ne sommes que votre versant sombre » semble dire Genet. Par la suite il reviendra l’idéalisation du voyou. Mais là, c’est comme un coup de cafard. Quand commence l’histoire, tout est déjà joué, ni les uns ni les autres ne le savent. Ils agissent comme s’il y avait encore un combat à mener.
« Par ses contradictions, son imperfection même, le texte s’ouvre à différentes lectures. Finalement, montrer l’affrontement entre un groupe et le monde extérieur m’intéresse moins que concevoir ce groupe comme un individu unique en voie de désagrégation. Une identité cohérente qui se déliterait. Chaque fragment du tout se réfugie dans un rôle, dans un déguisement au propre comme au figuré trop grand pour lui, et s’y perd. Comme toujours chez Genet, l’affirmation de soi passe par le masque. Se pose alors la question : faut-il être fidèle à soi-même ou à l’image que les autres ont de vous ? Ou plutôt : qui peut-on trahir? Soi-même ou son image ? »
Place de la liberté (Boulevard Foch) 57103 Thionville