En 2006, Sentimental Bourreau, autrement dit Mathieu Bauer et son équipe, fait entendre, rythmées par des musiques gaillardement énergiques, les confessions de cadres, pris entre chômage et tentatives de réinsertion : Top dogs. La saison suivante, changement de cap avec Tendre jeudi, à partir d’une nouvelle de John Steinbeck, sur les difficultés quotidiennes d’un quartier que l’on nommerait aujourd’hui "difficile", peuplé de voyous et voyouses plus attachants les uns que les autres. Rythmes et images, le cinéma y est très présent, et naturellement la musique : dès sa naissance, Mathieu Bauer s’en est nourri, de Debussyà Alan Vega et à tant d’autres. Cette fois, il fait appel à Wagner,à Tristan et Yseult. Oui! Évidemment reconsidéré à sa manière, avec les musiciens et comédiens de son équipe, rejoints par une chanteuse lyrique et une pianiste.
« Tendre jeudi a marqué l’aboutissement d’un parcours avec le cinéma. J’ai alors cherché du côté de l’opéra ; cette matière musicale qui m’a pris par la main, m’a aidé à vivre et dont les codes, les temps ne sont pas forcément ceux du théâtre. Et puis il se trouve que j’adore Wagner, en particulier Tristan et Yseult, une oeuvre tellement lumineuse. En l’écoutant, je me laisse engloutir. » Évidemment, il s’agit là d’une libre adaptation, conçue, pour le texte, avec Lancelot Hamelin.
Dans le décor d’un plateau abandonné, le spectacle s’ouvre sur la solitude d’un homme sans âge, hors du temps. Il va mourir, il est mort peut-être, se souvient, évoque des fragments de son passé. Pour ce faire, il convoque des moments de l’opéra, à partir desquels s’envole le spectacle.
« C’est un défi un peu fou, mais puisque nous sommes au théâtre, tout est possible. » Y compris faire vivre les rêves de ce Tristan qui, tel un vieil acteur retrouvant la scène, attend « l’éternel retour » de l’amour. Son souhait ultime : pouvoir à nouveau aimer, revoir Yseult. Il l’attend.
« Il est habité par sa rencontre avec elle, le regard qui a déclenché cette passion interdite… Et aussi par son enfance que la mort a marquée, la tristesse. Il n’a en lui aucune nostalgie, mais de la mélancolie. Ici et maintenant, et pour l’éternité il veut recommencer. »
Ainsi va le théâtre.
Libre adaptation d'après livret de Richard Wagner. Par la compagnie Sentimental Bourreau.
Musique originale de Mathieu Bauer.
Avec Mathieu Baue (percussions), Sylvain Cartigny (guitares, banjo), Arthur Simon (trompette), Stan Bruno Valette (sample), Mara Dobresco (piano).
Place Jean Jaurès 93100 Montreuil