Le Prince de Bourgogne décide d’épouser, par provocation peut-être, Yvonne, laide, amorphe, passive, quasi muette, en un mot une « mollichone » incarnée avec un immobilisme radical. Yvonne n’a donc l’air de rien, mais elle tombe profondément amoureuse du Prince, et à cause de cet amour innocent qu’elle trimballe, à la cour de Pologne comme sur la scène du théâtre, elle est un révélateur violent des turpitudes et des faiblesses de tout un chacun : la Reine graphomane a soudain honte de ses poèmes, le Roi de ses anciens péchés, la Cour est prise de quintes de rires malsains. Il faut faire quelque chose pour que cessent la bêtise et le non-sens qui progressent chaque jour. Mais quoi ? Tuer Yvonne ?
Pour monter cette pièce, Guillaume Baillart et la compagnie Nöjd, dont c’est ici le troisième spectacle, ont choisi d’opposer deux ordres des choses, un ordre vertical, une société de cour, réglée et ordonnée, qui se donne sans arrêt en spectacle et qui est au fond totalement immature, et un désordre horizontal, celui que répand autour d’elle sans le vouloir la placide Yvonne.
La mise en scène est donc entièrement réglée par ce conflit, et ce à quoi assiste le spectateur c’est à la façon dont l’ordre du spectacle théâtral est comiquement miné par la puissance d’Yvonne : perruques, costumes, objets en tous genres dont un cochon taille réelle, avalement de la salle dans la scène, toute l’exubérance du monde ne suffira pas à recouvrir cette coquille vide, et pourtant irradiante, qu’est Yvonne.
17, boulevard Jourdan 75014 Paris