Présentation
Immersion en cinq mouvements
Notes de mise en scène
La Compagnie Sourous
©argo est composé du texte de Hamlet Machine, œuvre à part entière, et de trois autres textes, Rivage à l’abandon, Médée Matériau, et Paysage avec Argonautes, qui forment une trilogie. (Editions de Minuit)
”Des vaisseaux fantômes partis d’Europe chargés de déchets toxiques tournent autour de l’Afrique (...) pour pouvoir décharger leur merde (...) C’est une image très exacte de la situation : des vaisseaux fantômes venus d’Europe sillonnent le tiers monde à la recherche d’un endroit pour se débarrasser des déchets irradiés produits par la pensée occidentale.” Heiner Müller (in Fautes d’impression)
©ARGO est une plongée dans le cerveau malade de l’Occident, à bord d’un vaisseau hanté par des déchets mythiques : Médée, Hamlet, Marx, Ophélie, Raskolnikov...
* 1er mouvement - Tri sélectif des déchets avant embarquement sur le ©ARGO
Gestion des déchets indistinctement matériels ou humains par des médecins (bouchers? bourreaux?). Lambeaux de textes de mythes de personnages. Marquage des déchets avant leur embarquement (désintégration? extermination?). Ballet désolé de la sélection. Pulsation : martèlement bureaucratique d’une machine à écrire éructant froidement son rapport. ”Poissons crevés Scintillant dans la vase Emballages de gâteaux secs Etrons Les garnitures périodiques en lambeaux Le sang Des femmes de la Colchide”
Paysage à la fois étrange et familier : Usine de tri? Hôpital psychiatrique? Prison? Camp de concentration?
* 2ème mouvement - Voyage du ©ARGO
guerre virile dans le cerveau soute, embrasement du féminin
Dans les soutes du ©ARGO, les hommes fondent la civilisation par la guerre et rêvent d’un monde idéal : ”On devrait coudre les femmes, un monde sans mères. Nous pourrions nous massacrer tranquillement les uns les autres” Jusqu’à ce qu’Ophélie/ choeur de femme, jusqu’ici bruissante polyphonie à l’arrière-plan du monde et de la scène, ne s’embrase dans la profération collective et le découvrement du sang, pulvérisant le système de catégorisation artificielle constituant la pierre angulaire du monde. ”J’arrache de ma poitrine l’horloge qui fut mon coeur. Je vais dans la rue vêtue de mon sang” L’antique partage du monde entre féminin et masculin, guerre civilisatrice et guerre barbare, se dissout dans le chaos.
* 3ème mouvement - Noct’Urne-Cauchemar dans le ©ARGO
”Les choses cachées depuis la fondation du monde” refluent dans le cauchemar. Dans l’obscurité absolue puis trouée peu à peu des flammes de centaines de bougies, se lève la voix chorale de(s) Médée(s), figure repoussoir de la femme sauvage, mauvaise, magicienne, nécessaire à l’instauration de l’ordre occidental. Derrière cette figure irradiée, contaminant pour des siècles et des siècles les relations entre les deux sexes, des femmes se débattent pour briser l’image virtuelle de La Femme, briser la construction idéologique du mythe, accéder enfin à l’humain.
”Je veux déchirer l’humanité en deux Et demeurer dans le vide au milieu
Moi Ni femme ni homme”
* 4ème mouvement - Débarquement des spectres. Désaffection
Au matin la pierre angulaire a été pulvérisée, mais rien n’est venu la remplacer. Les spectres-déchets sont débarqués par une aube grise sous le ciel vide : ”Notre port était un cinéma désaffecté. Les stars en concurrence pourrissaient sur l’écran.” Aux ruines d’Auschwitz succède le vide spirituel du monde contemporain. Les révolutionnaires rentrent chez eux pour regarder la télévision. ”Heil Coca-Cola !”
* 5ème mouvement - Guerre et prophétie apocalyptique
La désaffection qui pénètre les cerveaux, les corps, les rouages de la société, n’est plus supportable. La seule possibilité de renouer avec les autres, le monde, soi-même et sa propre mort, est la souffrance extrême du corps : ©ARGO se termine sur l’atroce extase de la guerre. ”Je sentis MON sang sortir de MES veines Et MON corps devenir le paysage De MA mort.” Au milieu des ruines, Ophélectre ressasse sa prophétie apocalyptique que personne (?) n’écoute plus : ”Quand elle (la mort) traversera vos chambres avec des couteaux de boucher, vous connaîtrez la vérité”.
©argo n’a pas de fin. Il s’éteint sur la représentation ad libitum du désastre...
”Je ne cherche pas à fourguer de l’espoir, je ne suis pas un dealer.” Heiner Müller
”L’espace müllerien ressemble au cerveau, dans ses fonctionnements multiples : fonctionnement organique mais aussi pensée. Là on pense, dé-pense, entre les strates conscientes, inconscientes, les influx nerveux, le sang, la moelle, les neurones, la mémoire personnelle et la mémoire du monde. C’est dans le cerveau - estomac du monde que les morts et les mots cognent, se lèvent, gémissent, crient, appellent, attendent leur avènement au monde et à la conscience.
L’écriture de Müller est une lumière qui réveille le monde du silence brutalement, nécessairement brutalement.”
Le jeu des acteurs
Dans la structure quantique de l’écriture müllerienne, le comédien-spectre virevolte avec virtuosité du présent de l’acteur au passé-présent du messager tragique, du passé du conteur au futur de la transe prophétique, quittant un ”personnage” provisoire pour devenir pensée mélodique pure, passant du jeu personnel au jeu choral.
La géométrie scénique
Pour que le public ait la sensation d’être un intrus invisible contemplant un cerveau en activité, ©ARGO procède à un effacement maximum des signes de représentation : utilisation de mouvements qui se commencent, se terminent ou se poursuivent en coulisses ; superposition aux actions principales d’actions en ”filigrane” qui peuvent se développer soudain en actions principales... D’où une géométrie précise, chorégraphiée, quoique invisible, à l’instar d’un inconscient régissant de façon surpuissante les mouvements d’une pensée.
La texture sonore
On peut voir ©argo, mais on peut aussi l’entendre. L’univers sonore est dense. Les sons ”naturels” (mer, sons industriels, ports, ventilateurs...) semblent souvent filtrés, avec des jeux constants de variations sur leur proximité ou leur éloignement, leur degré de réalité ou d’onirisme. La voix des acteurs s’intègre à cette texture : elle est travaillée musicalement, passant du chuchotement au cri, du râle au gémissement, s’embrasant dans la profération rythmée, surgissant de la masse sonore ou s’y dissolvant.
Créée en 1990 et implantée à Bagneux (92), la Compagnie SourouS s’attache, dans ses créations, à défendre les écritures d’auteurs contemporains : H. Danon, S. Sinisterra, M. Visniec, O. Py, E. Ionesco, H. Müller, B. Brecht, V. Maïakovski, J.L. Borges...
Muriel Roland et Marcos Malavia, fondateurs de la compagnie SourouS, sont tous deux auteurs, metteurs en scène et acteurs.
La compagnie est à l’initiative du Festival Auteurs en Acte, festival qui offre un large espace au théâtre contemporain et aux créateurs d’aujourd’hui.
De nombreux échanges ont eu lieu ces dernières années avec la Bolivie au travers de créations bi-nationales et de sessions de formation (scénographie, approche de l’écriture contemporaine française, ateliers d’écriture et mise en scène).
Spectacles réalisés ces cinq dernières années
La Java de l’absent (Roland) ; La boucherie ardente (Malavia) ; Pervertimento (Sinisterra) ; La grande lessive (Maïakovski) ; Le roi se meurt (Ionesco) ; La mort du Général (Malavia) ; Le ventre de la baleine (Malavia) ; Le cabaret de quat’sous (Brecht) ; Antigone (Brecht) ; Testament d’un rémouleur (Malavia)
Cartoucherie - Route du Champ de Manœuvre 75012 Paris
Navette : Sortir en tête de ligne de métro, puis prendre soit la navette Cartoucherie (gratuite) garée sur la chaussée devant la station de taxis (départ toutes les quinze minutes, premier voyage 1h avant le début du spectacle) soit le bus 112, arrêt Cartoucherie.
En voiture : A partir de l'esplanade du château de Vincennes, longer le Parc Floral de Paris sur la droite par la route de la Pyramide. Au rond-point, tourner à gauche (parcours fléché).
Parking : Cartoucherie, 2ème portail sur la gauche.