Corps et Tentations
Ames et Demeures
Didier-Georges Gabily par
Stanislas Nordey
Cette pièce fait partie du diptyque " Violences" composé de " Corps et Tentations " et " Ames et Demeures ".
Quon imagine un charnier découvert dans une propriété isolée de Normandie - cest-à-dire, où lon voudrait - grâce au témoignage dune jeune fille passablement perturbée et devenue presque aphasique ce pourrait être un de ces faits divers qui font la une et le menu principal de certains journaux. Prétexte, ici, sous couvert dune pseudo-reconstitution judiciaire, à la représentation, au propre comme au figuré, dune Famille dEnfer - et de (soi-disant) peu de vraisemblance ; famille que lon placera sous les auspices des rituels antiques (ou du moins de ce quil en reste) en la confrontant chaudement à tous les désagréments de la Loi Vendettale : ainsi le meurtre dun « étranger séducteur », ainsi lexclusion des membres fautifs, ainsi linévitable retour du refoulé, en létat : un enfant, né de la faute successive et commune des trois filles de la maison.
Où lon verra comment le cadavre du séducteur, pourtant dûment châtié, continue à faire des ravages.
Cest le sujet de Corps et Tentations.
Didier-Georges Gabily
Qui est la mère réelle de lenfant apparu puis disparu dans Corps et Tentations ?
Des trois surs exclues du déroulement du premier tableau par les rigueurs conjuguées de la Loi et de la haine maternelle, quelle est celle qui porta réellement le fruit de la faute commune ? On attendrait le temps quil faudrait une réponse à cette question (évidemment peu essentielle).
Resterait alors à jouer le souvenir obsédant, commun et réitéré (assorti des variantes conséquentes) du moment de la séduction par Le Même ; resterait à sarranger avec les bruits du monde, celui du dehors, qui échappe toujours, celui des autres, qui échappent toujours. Les bruits du monde, quand cela sécrivait guerre, et absurde réitération de. Tout ce quon voudra.
Ici, à nouveau, une parole (à peu près) tragique - sera soumise à la (rude) épreuve de la profération poétique, malgré tout.
Où lon verra trois jeunes femmes, coupées de leurs racines (quelles ?), à Paris, de nos jours, rêver à haute voix dun idéal de la dispersion des corps qui serait devenu - à force de publicités mensongères - le rêve dun établissement de lautre côté de locéan : New York. Comme un hommage déférent et lointain aux surs tchékhoviennes ; aussi, aux bienveillantes Furies dEschyle.
Cest le sujet dAmes et Demeures.
Didier-Georges Gabily
Didier-Georges Gabily est mon contemporain. La mort la fauché trop tôt, nous privant dun compagnonnage naissant qui nous faisait tous deux élaborer de doux rêves. De son vivant, il bâtit une uvre à la fois décrivain, de metteur en scène et de chef de troupe. Aujourdhui, restent les écrits en héritage.
Violences est, dans luvre de ce poète encore relativement peu connu du grand public, lun des opus les plus passionnants, parce quil contient en germe toutes les matrices de luvre, on y trouve à la fois tous les sédiments des écrits du passé quil a lus, et de ses propres écrits futurs, à venir.
Corps et Tentations est une tragédie rurale, âpre, quon pourrait imaginer comme une héritière de Racine et de Claudel avec sa force lyrique combinée à une austérité et une quasi perfection dans la structure. Ames et Demeures est une uvre de fantaisie, dimagination, forgée à partir dun matériau existant (Les Trois Surs de Tchékhov), lillustration en étant donnée par la parenté des noms attribués aux personnages centraux : Olga, Irina et Macha chez Tchékhov ; Olgue, Irne et Macke chez Gabily.
Violences, un diptyque, est assurément une aventure de théâtre pour les acteurs mais aussi pour le public qui est ici convié à une fête, la construction des deux pièces, à la fois complémentaires et indépendantes, invitant à plusieurs lectures, plusieurs traversées possibles.
Stanislas Nordey
15, rue Malte Brun 75020 Paris
Station de taxis : Gambetta
Stations vélib : Gambetta-Père Lachaise n°20024 ou Mairie du 20e n°20106 ou Sorbier-Gasnier
Guy n°20010