Bernard Magnier, journaliste et directeur de la collection Afriques aux éditions Actes Sud, nous plonge par le biais de lectures et de vidéos* au cœur de la littérature haïtienne contemporaine.
« Dans les violences de la difficile quotidienneté insulaire ou dans les incertitudes et les affres de l’exil, les poètes, romanciers, dramaturges et conteurs haïtiens ont, contre vents et Duvalier, de Cédras en Aristide, et parfois au péril de leur vie, maintenu place et dignité d’écrivains.
Haïti de l’île, Haïti de l’exil.
A Jérémie, à Jacmel, aux Abricots, à Petit Goâve ou à Port-au-Prince, mais aussi à Dakar, à Montréal, à Miami ou à Paris, le lieu de leurs intrigues, de leur mémoire et du souvenir demeure, à quelques exceptions près, ancré sur cette terre qui les a vus naître. Tous en témoignent, constatent, dénoncent, inventent et réinventent les bruits et les fureurs, les cris et les chuchotements, à la démesure de ses douleurs, à la mesure de leurs espoirs.
Tous ne cessent d’inventorier un pays et de lancer ainsi leurs mots crus et drus, comme autant de balises incendiaires pour conjurer le drame. D’une écriture rebelle, éclatée, boucanée créole, ils offrent en partage le dire d’une rencontre, parfois brutale, avec une réalité tragique. Ainsi, les soleils des chromos et des cartes postales ont aussi leurs revers et sous la plage, les écrivains débusquent quelques pavés rugueux qu’ils envoient dans la mare de nos idées reçues, de nos sagesses confortables et de nos silences complices.
Haïti de l’île, Haïti de l’exil.
Ce soir, ils seront treize pour amener dans leurs mots un peu de terre-pays. Treize de l’île et de l’exil, comme autant d’éclats dispersés d’un même écho et qui ont su maintenir le cap d’une écriture sans compromis. »
Bernard Magnier
* Littérature haïtienne, entretiens avec Lyonel Trouillot, Emile Ollivier, Frankétienne, Bernard Magnier. Enregistrés à La Chaux-de-Fonds en février 1997. Copyright : Revue littéraire [vwa], La Chaux-de-Fonds, Suisse.
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