Qu'est ce que j'ai encore?
William Webb Ellis
J'ai le déroulé
L’Équipe de France de rugby de théâtre
Le rugby, une culture
Michel Serres, le ballon
René Char - Joue et dors
J'ai !, c’est ce que crie le joueur de rugby qui, après le coup d’envoi, alors que le ballon est au-dessus des joueurs, signale qu’il va s’en saisir. À lui alors d’assurer, d’affronter cette peur qui ne le quittera pas jusqu’au coup de sifflet final. Peur et plaisir mêlés comme dans la vie.
Du premier match de l’équipe de France en 1906 à la Coupe du Monde de septembre 2007, cent ans de drames et de victoires, de passes d’anthologie, d’essais mythiques, de mêlées homériques, de plaquages, d’éponges magiques, de commentaires de Roger Couderc, de mots des poètes rugbymen René Char, Samuel Beckett, Michel Serres, cent ans qui, pour Guillaume Rannou et ses complices, offrent une magnifique matière épique.
Le rugby a toujours accompagné Guillaume Rannou, il y a joué dès l’enfance, il y joue encore dans son club « Entre les potos ». Tous les samedis matin à Vincennes, il y retrouve ce qu’il aime dans le travail d’acteur, la création collective, les envolées lyriques et l’humour. Quand on joue au rugby, on joue tout court, dit-il.
Comédien, co-fondateur de la compagnie de théâtre de rue, Éclat Immédiat et Durable, il a réuni aujourd’hui autour de lui 18 acteurs-joueurs sélectionnés avec soin. Le spectacle se jouera en deux mi-temps de quarante minutes, plus les arrêts de jeu
et prolongations éventuelles.
Le spectacle se logera dans un étirement du temps, celui des quelques secondes qui séparent le coup d’envoi de la première réception du ballon. C’est dans ce temps étiré que tout se jouera, de l’avant match dans les vestiaires à la reconstitution d’essais mythiques, dans un décor sorti des sacs de sport, ballons et numéros de Midi Olympique, pansements et pompes à bière. Un spectacle insolite à voir en famille au moment ou se déroulera en France la Coupe du monde de rugby.
1977. J’ai 7 ans. Je joue au rugby depuis un an. L’Équipe de France bat l’Irlande et remporte le Grand Chelem.
Je suis Jacques Fouroux.
1979. J’ai 9 ans. Je joue au rugby depuis trois ans. L’Équipe de France bat les All Blacks le jour de mon anniversaire.
Je suis Jérôme Gallion.
1981. J’ai 11 ans. Je joue au rugby depuis cinq ans. L’Équipe de France bat l’Angleterre et remporte le Grand Chelem.
Je suis Pierre Berbizier.
1987. J’ai 17 ans. Je viens d’arrêter le rugby, je joue au théâtre depuis trois ans. L’Équipe de France bat l’Australie.
Je suis toujours Pierre Berbizier.
1994. J’ai 24 ans. Je ne joue plus au rugby mais je joue au théâtre depuis dix ans. L’Équipe de France bat les All Blacks.
Je suis Guy Accoceberry.
1999. J’ai 29 ans. Je rejoue au rugby depuis quelques mois, et je joue au théâtre depuis quinze ans. L’Équipe de France bat les All Blacks.
Je suis Fabien Galthié.
2007. J’ai 37 ans. Je joue toujours au rugby, je joue toujours au théâtre. Et je fais les deux dans le spectacle J’ai !.
Je suis Guillaume Rannou.
Je suis le demi de mêlée de l’Équipe de France de rugby de théâtre.
Le plus grand de toute l’histoire du rugby, passée et future.
J’ai sélectionné, à la tête d’un Comité de Sélection, dix-huit autres acteurs-joueurs, qui composent la plus grande équipe de France de tous les temps.
Le temps d’un spectacle : J’ai !
Faire un spectacle sur le rugby, en faisant coïncider deux jeux : celui de théâtre et celui de rugby.
Parce que ce qui se passe dans la tête d’un joueur et dans celle d’un acteur, ça se ressemble.
C’est fait des mêmes neurones, des mêmes muscles, des mêmes engagements et des mêmes énergies.
Collectives.
Le joueur est un acteur, l’acteur est un joueur. Quand on joue (au rugby), on joue (tout court).
Guillaume Rannou
Un garçon du nom de Ellis, William Webb Ellis, un garçon de la ville et un boursier, qui à l’âge de neuf ans était entré à l’école après les vacances d’été 1816, qui dans la seconde moitié de 1823 était, je pense, un arrière lorsqu’il jouait au football au Bigside, dans cette demie année prit la balle dans ses bras.
En faisant cela, et pour respecter les règles, il devait se reculer aussi loin qu’il lui plaisait sans se séparer de la balle, car les combattants du camp opposé ne pouvaient avancer que jusqu’au point où il avait pris la balle et n’avaient pas le droit de foncer au-delà, avant qu’il n’ait pointé la balle ou placé la balle pour que quelqu’un d’autre la botte ; ainsi c’était au moyen de ces coups de pied placés que la plupart des buts étaient marqués en ce temps-là, mais au moment où le ballon touchait le sol, le camp opposé pouvait foncer.
Ellis, cette fois-là, transgressa la règle, et en saisissant la balle, au lieu de reculer, fonça devant lui vers le but opposé, avec la balle dans ses mains.
Je ne sais pas quel résultat cela eut sur le jeu, je ne sais pas davantage comment on donna suite à cette infraction à une règle bien connue, ni quand cela advint, comme c’est maintenant, une règle établie.
M. Ellis, parmi les meilleurs de l’école, avait pour les études de belles dispositions. Il quitta l’école en 1825, étant le deuxième boursier de Rugby cette année-là, et rejoint le Brasenose College à Oxford. Il entra par la suite dans les ordres et fut plus tard nommé à l’église de Saint-Clément, dans le Strand. Il mourut sur le continent il y a quelques années [le 24 janvier 1872].
Quand il était à l’école, bien qu’il y eût une belle position, M. Ellis n’était pas ce que nous pourrions appeler une « tête enflée », en tout cas aucun de ses compagnons ne le considérait comme tel.
Il manifestait cependant beaucoup d’assurance, et avait l’ambition de faire quelque chose. En fait, il fit un acte que si un « bleu » s’était aventuré à le faire, il aurait probablement reçu plus de coups de pieds que de louanges. C’est souvent ainsi que de petites choses provoquent de grands résultats.
Commission d’enquête sur les origines du jeu à l’école de Rugby, diligentée par la Société des Anciens de Rugby, 1895.
Témoignage de Matthew Bloxham.
quand le rugby naît
quand la première «Équipe de France» est formée, en 1906
quand Lucien Mias parle à ses joueurs
quand les joueurs sont alignés et que l’hymne retentit
quand Roger Couderc présente les joueurs en 1961
quand les Règles donnent la définition d’un en-avant ou décrivent les signaux de l’arbitre
quand l’équipe se prépare mentalement
quand Blanco marque l’essai contre l’Australie en 1987, Sadourny contre la Nouvelle-Zélande en 1994, Paco contre l’Écosse en 1977, Saint André contre l’Angleterre en 1991, Carrère contre la Nouvelle-Zélande en 1968
quand la passe de Gachassin est interceptée par un Gallois en 1965
quand Daniel Herrero parle de Toulon
quand Pierre Danos tombe dans le coma au coup de sifflet final en 1958
quand les joueurs restent sur la pelouse pour la mi-temps
quand Aguirre attend le ballon qui tombe de très très haut
quand Tabacco est sur le point d’attraper le ballon en touche
quand Deylaud s’apprête à tenter la pénalité
quand Garbajosa a peur pour la première fois de sa vie en voyant débouler Lomu
quand Jean-Pierre Bastiat plonge de tout son long pour aplatir
quand Fouroux refuse de sortir du terrain
quand la bagarre générale contre l’Afrique du Sud dure plus de deux minutes
quand Rives saigne
quand Romeu essuie le ballon avant de botter
quand André et Guy Boniface font la croisée
quand Codorniou parvient à transmettre à Pardo
quand Maurice Prat explique à Danos comment ils font à Lourdes;
quand Jean-Pierre Garuet décrit la première mêlée de France-Angleterre 1986
quand Betsen plaque Wilkinson
quand Vigier prend les choses en main à propos de la mêlée
quand le soigneur passe l’éponge magique sur la nuque de Palmié
quand Dospital chante
quand Carrère, Cester et les autres fêtent le Grand Chelem pendant trois jours
quand René Char et Samuel Beckett se souviennent qu’ils ont joué au rugby
quand Michel Serres parle du ballon-sujet et du joueur-objet
quand Jean et François Trillo parlent de la passe vissée
quand Obélix se déclare pour “l’introduction de ce joli jeu en Gaule”... il y a de quoi en faire du théâtre.
Guillaume Rannou
Tout d’abord nous commencerons par l’Équipe de France de rugby de théâtre.
Arrière :
Bruno Boulzaguet n°15, de Cahors, 41 ans, 1,81 m, 73 kg, comédien
Les trois-quarts :
Gilles Gentner n°14, de Colmar, 38 ans, 1,80 m, 75 kg, concepteur-lumière
Sylvain Cartigny n°13, d’Orchies, 35 ans, 1,80 m, 73 kg, musicien
Mathieu Bauer n°12, de Paris, 35 ans, 1,79 m, 63 kg, musicien batteur en scène
Marco Bretonnière n°11, de Colombes, 42 ans, 1,78 m, 65 kg, sonorisateur des trois-quarts qui connaissent la musique.
Les demis :
David Gouhier n°10, d’Orléans, 34 ans, 1,80 m, 72 kg, artiste dramatique
Guillaume Rannou n°9, d’Angers, le capitaine, 35 ans, 1,68 m, 65 kg, acteur
Les avants troisième ligne :
Jérôme Perrot n°8, de Limoges, 32 ans, 1,82 m, 82 kg, comédien
Philippe Vieux n°7, de Lyon, 39 ans, 1,80 m, 84 kg, troubadour
Benoît Di Marco n°6, de Longjumeau, 37 ans, 1,83 m, 73 kg, comédien
Deuxièmes lignes :
Jean-Christophe Quenon n°5, de Bruxelles, 35 ans, 1,83 m, 110 kg, acteur agriculteur
Éric Challier n°4, de Chambéry, 39 ans, 1,92 m, 92 kg, comédien
Première ligne :
Arnaud Churin n°3, d’Alençon, 35 ans, 1,73 m, 82 kg, artiste dramatique
Philippe Frécon n°2, de Vienne, 41 ans, 1,68 m, 75 kg, comédien
Rodolphe Poulain n°1, de Lorient, 33 ans, 1,80 m, 95 kg, comédien
Sur le banc :
Philippe Bouttier, de Poissy, 40 ans, 1,79 m, 69 kg, régisseur en tout genre
Juliette Rudent-Gili, de Gennevilliers, 37 ans, 180 cm, 63 kg, annexe 8 et 10
Madame Miniature, de Lyon, 44 ans, 1,70 m, 62 kg, sonorisatrice
L’abitre qui est M. Martin Selze, est un abitre qui nous a porté chance jusqu’à présent et
qui arbitre large.
« Et voilà ! Et maintenant, je suis sûr qu’à travers ces 19 visages vus en gros plan, vous avez déjà pu vous faire une opinion sur ces joueurs, qui sont aussi des hommes, avec leurs qualités et leurs défauts d’hommes. » d’après Roger Couderc, avant France-Afrique du Sud 1961
« Si on n’est pas agressifs, ce n’est pas la peine de jouer... Vendredi, ça a très bien marché à l’entraînement. Alors y’a pas de raisons... On doit faire une grosse partie. David, c’est toi qui dois nous apporter le dynamisme... Les remplaçants, vous allez rentrer, c’est sûr. Préparez-vous... On ne pense pas aux petits bobos ou au mal au ventre, hein, on les laisse au vestiaire... Plus rien à perdre... S’éclater...
On relâche, on étire... On fait bouger la tête, doucement... On fait la même chose de l’autre côté... Les gars, partout on doit les étouffer, jamais les lâcher !... Étirer, relâcher... Partout où il y a un Nîmois, je veux voir trois rouges !... Étirer, relâcher...
Y a plus à se poser de questions, on met toute l’agressivité dans le jeu. Et sans arrière-pensée, hein... On se bouge les bras tranquille, sans à-coups... On marche sur place... [bruits de crampons]... C’est bon... Sur le coup d’envoi on récupère et on met la pression sur eux... On trottine sur place, en douceur... Les adducteurs... On va au ballon sans arrêt. On le gagne. On les laisse jamais s’organiser... Relâchez... On les étouffe... On étire la jambe... On relâche... On étire... On écoute les commandements de Guillaume, pas le public... Bon, on peut boire un coup. On a dix minutes avant de sortir. »
C’est alors que se produit un événement d’une grande intensité dramatique. Il est 14h30, l’entraîneur a la main posée sur la poignée de la porte. Mais les joueurs ne sortent pas. Pris soudain d’une sorte de rage, ils se regroupent frénétiquement en une boule compacte, animée de violents mouvements centripètes, formant comme un seul organisme d’où s’échappent des cris rauques. Guillaume, coincé au milieu de cette grappe infernale, la voix tendue et dramatique, les exhorte au combat.
J’ai vu en une autre occasion un joueur qui, parce qu’il était allé vomir son angoisse dans les douches, était arrivé en retard pour la « boule » : véritablement pris de panique à l’idée de ne pouvoir se fondre au groupe, il essayait vainement de s’insérer parmi les autres, mais c’était trop compact, il pleurait, il hurlait ; finalement, il a réussi à réintégrer le ventre maternel par-dessous, en se faufilant entre les jambes des autres.
Il est certain qu’après une telle expérience fusionnelle, l’entraîneur n’a plus qu’à ouvrir la porte du vestiaire et laisser les joueurs se ruer vers le tunnel pour déboucher sur le terrain : ils sont prêts à en découdre.
Sébastien Darbon, in Le rugby, un mode de vie,
... Il est bien des façons d'aimer. Le rugby, profondément, c'est une culture. Certes, rien ne vaut le jeu lui-même, à quelque niveau qu'il se pratique. Rien ne vaut le jeu, et la palette composite de ceux qui la jouent. Quelle chance encore pour moi d'avoir connu l'international numéro un de toute l'histoire du rugby français, l'adorable Henri Amand, alors nonagénaire, auquel je rendis visite dans sa petite maison des hauteurs de Villeneuve-sur-Yonne. Ainsi entrèrent dans les collections du Musée national du sport les cups les plus anciennes, venues jusqu'à nous depuis le XIXe siècle ! Le ballon de cuir à lacet, que me remit l'élégant Toulonnais Léo Servole, signé des joueurs du France- Angleterre de 1931, le dernier avant la longue rupture décidée par les Britanniques ; ces croquenots "48 fillettes” de Walter Spanghero ; le noeud pap rose de Franck Mesnel - et je pourrais en citer tant d'autres -, ces pièces m'évoquent autant de rencontres et d'amitiés.
Mais il y a aussi le graphisme et la couleur des affiches, des eaux-fortes de Dunoyer de Segonzac, de la toile de Robert Delaunay - est-ce un hasard si j'ai choisi cette équipe de Cardiff en frontispice du Chant du sport ? -, la force des sculptures - ce bas-relief de René Iché pour l'une des portes du palais du travail, à Narbonne -, la musique, qu'il s'agisse des ondes sonores du mouvement symphonique joueur du Havre Athlétic Club) ou de chansonnettes bon enfant, le film - avez-vous vu l'admirable court-métrage Score saisissant comme jamais la vie du ballon à l'occasion du bouleversant 14 juillet 1979 d'Auckland (24-19, faut-il le rappeler, en aveur de Jean-Pierre Rives et ses frères) ?
Il y a aussi les articles et les écrivains : Louis-Henry Destel, le précurseur, Marcel Berger, Pierre Mac Orlan, l'irrésistible Marcel Aymé, du Sporting, Antoine Blondin, Denis Lalanne (et son Grand Combat du XV de France, 1959), Kléber Haedens, Jean Lacouture, Christian Montaignac...
Trop à dire. Marquant la fin de cette partie, le trille final de l'homme en noir s'arrête net. Et je vois marcher vers moi un homme jeune, de petite taille, à très longue moustache, celui-là même qui arbitra le 20 mars 1892 à Bagatelle la finale du premier championnat de France, au terme de laquelle fut remis aux bleu et blanc (battant le Stade français 4 points à 3) ce trophée damasquiné qu'il avait conçu, payé et offert - et qu'on appelle improprement “bouclier de Brennus”, du nom de l'orfèvre ciseleur à qui il en confia la réalisation - bref... Pierre de Coubertin.
Celui-ci me tend une lettre autographe d'avril 1892 qu'il avait adressée à Michel Gondinet, manuscrit offert au musée : « Cher Monsieur Gondinet, pensez-vous que le docteur du Racing pourra venir au match du 18 avec de quoi réparer 3 ou 4 joueurs ? Je crains un peu la brutalité de nos adversaires parce qu'il s'agit d'un club de second ordre - et plus que jamais il convient de prendre des précautions. »
Rugby, cher rugby, le temps de l'enfance est révolu et n'a cessé de te transformer. Te voilà maintenant jeté résolument dans l'ère du professionnalisme et de ta Coupe du monde. En septembre et octobre prochains, si impatiemment espérés, je serai, si tu le veux bien, l'un des compagnons de tes rebonds imprévisibles.
Jean Durry -Attitude rugby # 19 - juin 2007
L’oeuvre de jean Durry compte notamment la Véridique Histoire des géants de la route (1973), le Sport à l'affiche (1988), le Grand Livre du sport (Grand Prix de littérature sportive, 1992), l’Almanach du sport (] 996) et le Chant du sport (2006).
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« J’ai deux choses à dire sur le ballon. La première, c’est que le ballon distingue très bien l’adroit du maladroit. On a l’impression qu’un homme est adroit lorsqu’il sait très bien manipuler ce ballon, qu’il l’envoie, qu’il le rattrape, qu’il le passe, etc. Celui-là, c'est un maladroit.
Pourquoi ? Parce qu’il joue, lui, avec un objet qui s’appelle le ballon, tandis que l’adroit est un corps parfaitement adapté à ce qu’il est joué, lui, par le ballon. C’est le ballon qui est le sujet du sport. C’est-à-dire, l’équipe s’adapte autour du ballon, l’équipe se groupe par parties autour du ballon ; c’est le ballon qui joue, c’est le ballon le sujet de la rencontre, et les autres sont les serviteurs du ballon. Donc, il faut penser le ballon comme le sujet, et les joueurs comme les objets. Et celui-là est adroit qui s’adapte au ballon et non pas qui adapte le ballon à son propre corps. Cela définit vraiment le joueur adroit du maladroit ordinaire.
Et une fois qu'on est lancé dans cette affaire-là, on s’aperçoit que le ballon est quelque chose comme, vous connaissez le jeu qui s'appelle "le furet du bois Mesdames", où les enfants tiennent une corde, et se font passer le furet, vous voyez, et celui qui gagne ou qui perd, c'est celui qui a le furet, ou qu'on découvre qu'il a le furet. Alors, le furet c'est le ballon. La preuve, c'est que celui qui a le ballon, on peut l’attaquer, on n'a pas le droit d'attaquer les autres. Donc il est marqué, c’est le ballon qui marque le joueur.
Ce n'est pas vrai de tous les sports, puisqu'au football américain, on peut attaquer celui qui n'a pas le ballon. Mais dans le rugby, on ne peut plaquer que celui qui a le ballon.
Donc le ballon est un traceur de relations dans l’équipe en question, c’est lui qui marque qui on peut attaquer, qui on ne peut pas attaquer, c’est lui vers lequel tout le monde va, et donc, il est dans une société celui qui fabrique la société, c'est tout simple, on dit tout le temps ce mot aujourd'hui, c’est lui le lien social. C’est lui le lien social dans l’équipe.
Et au fond, quand je vais voir une partie de rugby, je vais voir comment une société se conduit ensemble. Mais c’est très difficile d’observer une société, parce qu'on ne le voit pas le lien social : on en parle mais on ne le voit jamais objectivement. Là, on le voit, le ballon c’est le lien social.
Et c'est pourquoi dans un vieux livre qui s'appelle Le Parasite, j’ai appelé le ballon le quasi-objet. Et ce quasi-objet, c’est lui qui trace les relations entre les joueurs. C’est une invention positivement géniale, parce que, peut-être, l’invention de l’argent lui ressemble ;c'est-à-dire cette espèce d’objet que l’on se passe de la main à la main et qui est la valeur, qui vous désigne comme riche ou comme pauvre, comme puissant ou comme misérable.
Un peu comme le ballon vous désigne celui que l’on va attaquer ou celui que l'on ne va pas attaquer. Et c'est vrai que l’argent trace un peu le lien social, c'est un peu un objet de ce genre. Et bien voilà, le ballon, c’est de l’argent gratuit, c'est de l'argent pour jouer. Et il y a, dans l'invention de cet objet, quelque chose d'assez génial, qui m'a fasciné toute ma vie.
Dès que j’étais jeune, je me disais mais voyons, c’est pas un objet ordinaire, c'est pas un objet comme un marteau, comme un vase, comme un verre, comme une fourchette, à quoi ça sert ? À quoi ça sert ?
Ça ne sert à rien ? Non, ça sert à voir comment une société se conduit. Lorsque l’argent circule tout va bien et lorsqu’il y a des appropriations, tout va mal, pour le ballon c’est la même chose, une équipe joue d’autant mieux que le ballon vole de mains en mains. Et à ce momentlà, ça enflamme d'enthousiasme la foule. Et en effet, plus la circulation est rapide, mieux l’équipe joue. Le ballon est un objet parfaitement mystérieux. »
Michel Serres, transcription d’une interview dans un dvd édité par l’INSEP.
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Joue et dors, bonne soif, nos oppresseurs ici ne sont pas sévères.
Volontiers ils plaisantent ou nous tiennent le bras.
Pour traverser la périlleuse saison.
Sans doute, le poison s’est-il assoupi en eux,
Au point de desserrer leur barbare humeur.
Comme ils nous ont pourtant pourchassés jusqu’ici, ma soif,
Et contraints à vivre dans l’abandon de notre amour réduit à une mortelle providence !
Aromates, est-ce pour vous ? Ou toutes plantes qui luttez sous un mur de sécheresse, est-ce pour vous ? Ou nuages au grand large, prenant congé de la colonne ?
Dans l’immense, comment deviner ?
Qu’entreprendre pour fausser compagnie à ces tyrans, ô mon amie ?
Joue et dors, que je mesure bien nos chances.
Mais, si tu me viens en aide, je devrais t’entraîner avec moi, et je ne veux pas t’exposer.
Alors, restons encore... Et qui pourrait nous dire lâches ?
René Char in Commune présence
Un essai non transformé ! J'ai...pas du tout aimé cette pièce : trop lente, des paroles décousues où l'on perd rapidement le fil de l'histoire (si toutefois il y en a une). Si vous n'êtes pas fan de rugby, cette pièce est à éviter même si la salle est spacieuse et confortable. Pour les fan, je vous laisse vous faire votre opinion. Bon courage aux comédiens pour la suite qui furent tout de même très accueillants.
Un essai non transformé ! J'ai...pas du tout aimé cette pièce : trop lente, des paroles décousues où l'on perd rapidement le fil de l'histoire (si toutefois il y en a une). Si vous n'êtes pas fan de rugby, cette pièce est à éviter même si la salle est spacieuse et confortable. Pour les fan, je vous laisse vous faire votre opinion. Bon courage aux comédiens pour la suite qui furent tout de même très accueillants.
17, boulevard Jourdan 75014 Paris