« Pourquoi certaines images nous prennent la parole tandis que d'autres nous la rendent ? »
Le collectif L'Avantage du doute nous présente sa troisième création. Toujours engagé dans un projet nécessaire et politique, le collectif s'empare cette fois de la question de notre rapport à l'image, ou plutôt de ses paradoxes. D'une part, l'image médiatique, ses flux continus, ses mises en scène et leur pouvoir de passivité. D'autre part, les images picturales, les photos de nos albums et leurs pouvoirs d'émotions ou de rassemblement. Comment agissent les images et que viennent-elles agiter ?
Après Tout ce qui nous reste de la révolution, c'est Simon et La Légende de Bornéo, L’Avantage du doute poursuit son exploration à la croisée de l'intime et du politique. Formé à partir d'une aventure avec tg STAN, le collectif a repris pour fondements certains principes de la compagnie flamande, notamment le partage de la responsabilité d'une parole dite publiquement. Au préalable de l'écriture au plateau, chacun des cinq acteurs mène son enquête et se documente, engageant personnellement sa parole. De cette ambiguïté entre personne et personnage peut naître une relation forte avec les spectateurs, toujours envisagés comme partenaires par le collectif.
Dans Le Bruit court que nous ne sommes plus en direct, nous sommes complices de cette fiction : cinq journalistes veulent créer une chaîne indépendante, nommée de façon joliment désuète « Éthique-TV ». Cette réunion ouvre le champ aux batailles d'obsessions et de prises de positions politiques. Comment une chaîne au contenu éthique peut-elle survivre ? Quels seraient ses financements, ses compromis et ses sujets ?
En contrepoint de cette histoire et au-delà des discours, cette création propose au public des expériences pour « réparer » notre lien aux images. Si l'on « mettait sur pause » le flux médiatique, pour déjouer ce sentiment d'« apnée du regard » dont parle la philosophe spécialiste des images Marie-José Mondzain, que verrait-on ? Avec humour, L’Avantage du doute dénonce la manipulation possible des images, en interrogeant le hors-champ, le montage...
Le sujet s'ouvre alors à un imaginaire poétique, ontologique, traversant les âges : pourquoi certaines images nous prennent la parole tandis que d'autres nous la rendent ?
Elsa Kedadouche
76, rue de la Roquette 75011 Paris