Le cirque revisite les mythes de l’humanité
Histoire des Métamorphoses
Le sens d'une rencontre
Avec Le Metamorfosi, la création des Colporteurs et de
Fattore K, le cirque revisite les mythes originels de l’humanité.
Cette création est le fruit d’une rencontre à plus d’un titre : entre les mythes
d’Ovide et le cirque, Fattore K, la troupe de théâtre italienne de Giorgio Barberio
Corsetti et les Colporteurs, compagnie de cirque française animée par Antoine Rigot.
Deux disciplines et deux langues fusionnent dans un spectacle qui prend sa source au cœur de l’antiquité.
Les métamorphoses d’Ovide se disent et se vivent ici en français comme en italien,
dans la beauté d’un corps volant, d’une femme qui devient ours ou constellation ou
quand l’humain, l’animal et le sacré ne font plus qu’un.
La corde volante, le fil ou le trapèze ne figurent plus des numéros mais une succession de transformations. La métamorphose, ici, fait rire ou fait peur mais
reste surtout fortement ancré dans l’essence du théâtre.
Autrefois les hommes et les dieux se rencontraient. Le ciel touchait la terre et la terre s’ouvrait sur des profondeurs incandescentes. Ces rencontres étaient terribles, le sacré annonçait des transformations inévitables ; le passage entre le monde végétal, animal, humain et divin était immédiat, merveilleux et définitif. Les frontières entre les mondes, peu nettes encore, étaient marquées par la présence liminale et énigmatique de dieux aux existences ambiguës et extrêmes qui peuplaient les lieux. Ovide, admirateur et explorateur tardif de ce monde mythique multiforme, en parle avec une grande concision poétique, une grande finesse linguistique, et une ironie subtile qui imprègne son texte.
Sa modernité est aussi la nôtre. Nous qui vivons une autre grande époque impériale en déclin, sommes attirés par ce monde obscur des mythes de la transformation, de la rencontre fulgurante avec le sacré tout en en percevant la distance et l’invraisemblance, et en subissant avec émerveillement les jeux du hasard.
Le mythe travaille encore au plus profond de notre être. Il conserve tous ses secrets inexprimables, la terreur, le rire face à l’absurde et l’inéluctable.
Ce spectacle parle de métamorphoses telles que nous pourrions les vivre aujourd’hui dans notre imaginaire où tout, le passé et le présent, se fond comme dans un rêve. C’est pour cela qu’à la fois des acteurs et des acrobates interprètent ensemble cet univers antique, obscur et intense à l’intérieur duquel ils descendent, passant entre le ciel et la terre, presque sans gravité, descendant dans les profondeurs, voyageant en un équilibre impossible, entre l’humain et l’animal. On y parle de métamorphoses, de constellations resplendissantes éternellement plantées dans le ciel, de sauts, de bonds sauvages, de poursuites acrobatiques, d’hommes et de femmes transformées en loups, en cerfs, en ours, en arbres. Un monde fluctuant encore indéfini qui se laisse envahir par une sacralisation obscure, lancinante et violente.
Acteurs-acrobates-acteurs nous prêtent leurs corps et leurs idées du vol, du saut, de l’équilibre impossible pour nous redonner l’émotion, la tension et le rire libérateur qui surgissent au contact du terrible, de l’effrayant et de l’inconnu.
Giorgio Barberio Corsetti/Fattore K
Il est de ces rencontres qui, bien que passant par un "fil" reliant un pays à un autre, réveillent un sentiment instinctif. Quand ce sentiment grandit au fur et à mesure de l’imagination d’un travail commun, alors l’envie arrive, ne répondant à aucune réflexion sensée, point essentiel au départ d’une aventure. Nous sommes très sensibles à ces sensations, plus physiques qu’intellectuelles, intérieures, profondes et spontanées, essence même du travail du cirque…
Quelques semaines plus tard nous nous retrouvions avec Giorgio Barberio Corsetti et ses comédiens, pour plonger dans l’univers des Métamorphoses d’Ovide, au fond d’un parc de Pontedera, pour une semaine d’atelier qui allait à notre insu, confirmer ces premiers ressentis.
L’œuvre d’Ovide, source inépuisable de métaphores intemporelles, provoque tout autant cet instinct animal - parfois même au premier degré, quand une femme hurle sa détresse au cours de sa métamorphose en ourse - impulsions naturelles qui elles aussi appartiennent aux fondations du travail du cirque, du théâtre, plus largement au processus de création, entre le monstrueux et le poétique. Nous n’avons qu’une hâte : replonger dans l’univers entrouvert.
Antoine Rigot/Les Colporteurs
211, avenue Jean Jaurès 75019 Paris