Le Président

du 20 avril au 13 mai 2007

Le Président

La pièce de Thomas Bernhard raconte le vacillement du pouvoir tout puissant d’un couple présidentiel face à une situation d’insurrection. Tragédie et comédie, gravité et rire : tout est théâtre dans cette pièce qui balance entre réalités apparente et souterraine.

"Ambition / haine / rien d'autre"
Une comédie du pouvoir
Comme une mise en scène continuelle du théâtre

  • "Ambition / haine / rien d'autre"

Menacé au dehors par les balles des terroristes, le Président doit supporter chez lui le discours que sa femme adresse sans discontinuer à son chien mort d’une crise cardiaque lors d’un attentat. Sa seule consolation : le plaisir qu’il trouve auprès d’une actrice de second ordre, à qui il peut infliger à son tour une magistrale leçon de pouvoir. La dernière. Tragédie et comédie, gravité et rire. S’il est tellement question de théâtre dans cette comédie du pouvoir, c’est qu’il reste par excellence le lieu où l’on peut scruter derrière les masques les espaces informes où se tapissent les pulsions humaines, le lieu par excellence où les donner à voir.

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  • Une comédie du pouvoir

Le Président raconte le vacillement du pouvoir tout puissant d’un couple présidentiel face à une situation d’insurrection. L’attentat dont ils ont réchappé a emporté un colonel et le chien de la Présidente. Ébranlée, la Présidente s’accroche aux apparences, elle se réfugie dans une comédie du pouvoir mettant en scène son chien mort et Madame Gai, sa femme de chambre. Dans le ressassement de ses obsessions les masques tombent un à un, dévoilant à petites touches, puis de manière plus crue, la peur, la haine du peuple, la haine de la liberté, la haine de son mari, la terreur d’être assassinée. Par elle, s’expose la déliquescence du pouvoir, la médiocrité du couple présidentiel. Rideau.

Dans le cadre somptueux d’un hôtel d’Estoril, un Portugal figé dans le conte de fées d’une dictature désuète, le Président à son tour s’abandonne à sa comédie. Devant lui sa maîtresse, une actrice transformée en spectatrice de sa prestation. Commence alors une apologie de la politique, art suprême, et de sa propre personne, son ascension arrachée à la force du poignet. Dans les méandres de son discours, s’insinue la détestation de sa femme et de ses amants. Implacablement la façade se lézarde, le rideau de l’autorité se déchire, révélant l’avidité d’un homme tout entier tendu par sa volonté de pouvoir absolu. Enfermement du discours, éclairs de lucidité.

Deux "personnages" absents hantent cette pièce jusqu’au tableau final, le fils passé aux terroristes et le peuple détesté.

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  • Comme une mise en scène continuelle du théâtre

Le Président ne raconte pas une histoire, l’événement parricide y flotte comme une sourde angoisse. Une réalité mystérieuse et profonde y court entre les failles et les fêlures des obsessions ressassées, présence permanente qui finit par toucher les soubassements de nos souterrains obscurs. Pourquoi le désir de renverser la figure du pouvoir est-il si vivace et le spectacle de sa déchéance si troublant ? Cette question centrale palpite tout au long de la pièce qui déploie un matériau théâtral complexe et subtil, comme une mise en scène continuelle du théâtre.

Dans la Grèce antique, le théâtre était le lieu où l’on pouvait confronter les êtres humains aux abîmes des interdits suprêmes, par une mise en scène ritualisée des mythes fondateurs. En impitoyable observateur de notre modernité, avec sa froide clarté scientifique, Thomas Bernhard sait que le théâtre, aujourd’hui, ne remplit plus cette fonction, en tout cas pas de la même manière, et il en rit.

Tragédie et comédie, gravité et rire : tout est théâtre dans cette pièce qui balance entre réalités apparente et souterraine. Entre les rituels désuets du palais présidentiel et les éclats de l’insurrection qui gronde, entre le ridicule des masques qui tombent et la profondeur tragique de ce qui est dévoilé, les deux protagonistes font sans cesse du théâtre. S’il est tellement question de théâtre dans cette pièce sur la folie du pouvoir, c’est que celui-ci reste par excellence le lieu de l’entre-deux ; celui où l’on peut suggérer l’invisible, l’indicible, scruter derrière les masques les espaces informes dans lesquels se tapissent les pulsions humaines, le lieu par excellence où les donner à voir.

Blandine Savetier

"Sans interruption nous parlons de quelque chose d’irréel afin de supporter de l’endurer parce que nous avons fait de notre existence un mécanisme de divertissement rien d’autre qu’un minable mécanisme de divertissement une catastrophe artistique artificiellement naturelle chère madame." Thomas Bernard, Extrait de La Société de chasse, trad. Claude Porcell, L’Arche Éditeur, 1988

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Spectacle terminé depuis le dimanche 13 mai 2007

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