Léviathan est le 3e volet d’un cycle conçu par Lorraine de Sagazan et Guillaume Poix à partir de questionnements soulevés au cours d’une série de trois cents entretiens. Après La Vie invisible et Un sacre, Léviathan interroge, avec les moyens symboliques et performatifs de la fiction, le système judiciaire, ses béances et ses alternatives.
Représentations surtitrés en anglais : chaque vendredi (à l'Odéon).
Qui punit-on et pourquoi ? D’où vient la logique de la punition ? Pourquoi le système judiciaire peine-t-il à produire un véritable sentiment de justice chez la plupart des citoyens ? Après une longue immersion au cœur du système pénal contemporain, Lorraine de Sagazan et Guillaume Poix se focalisent sur la comparution immédiate. Lors de cette procédure de justice expéditive, les justiciables ne font presque jamais face à leur victime, mais à un procureur qui représente l’État. Des délits parfois mineurs y sont punis sévèrement. Ce n’est pas la blessure produite qui est jugée mais l’enfreinte à la loi. Sous un chapiteau qui déplace l’idée du tribunal, Lorraine de Sagazan imagine un contre-espace, tente de renverser certaines évidences et d’opérer des points de bascule par-delà le bien et le mal. Car la figure du Léviathan, au vaste héritage philosophique et littéraire, nous confronte au dilemme de la violence, son exercice légitime et sa régulation par le droit et nous pose, depuis le récit biblique, cette même question cruciale : qui est le monstre ?
Léviathan est le 3e volet d’un cycle conçu par Lorraine de Sagazan et Guillaume Poix à partir de questionnements soulevés au cours d’une série de trois cents entretiens. Après La Vie invisible et Un sacre, Léviathan interroge, avec les moyens symboliques et performatifs de la fiction, le système judiciaire, ses béances et ses alternatives.
« Une pièce savamment rythmée, où la violence d'une mécanique judiciaire aliénante prend le pas sur les alternatives d'une justice transformatrice. » Les Echos
« Hommes-zombies, magistrats pris dans la ronde d’une danse macabre, cheval sublime dont la présence totalement incongrue apaise : l’artiste multiplie les propositions fortes et sidérantes. Passant du réel, en conviant un ancien détenu, habitué des comparutions immédiates et sans masque, qui nous fait ressentir la violente réalité de ces procédures expéditives, à l’onirique, elle signe une grand-messe carnavalesque autant que morbide. » L’œil d’Olivier
Pendant la crise sanitaire de 2020, nous avons entamé avec l’écrivain Guillaume Poix un nouveau protocole de travail en menant, dans les théâtres fermés, quelques 300 entretiens avec des personnes de tous horizons. À partir de ces rencontres, nous avons identifié des « manques » ou des « insuffisances » dans le champ social. Loin de toute démarche documentaire, j’ai alors conçu un cycle de spectacles qui emploierait les moyens symboliques et performatifs de la fiction pour tenter de « répondre » à ces lacunes par autant d’actes théâtraux. Troisième volet de ce cycle créé en juillet 2024 au Festival d’Avignon, Léviathan interroge le fonctionnement du système judiciaire, ses béances et ses alternatives.
Parce qu’elle organise les rapports entre les membres d’une société, la justice demeure la clef de voûte du schéma social et civique. Pourtant, si chacun s’entend sur l’idée d’une justice parfaite, les opinions divergent quant à̀ son application. La justesse de la justice se mesure à la manière dont celle-ci est rendue. La France, comme d’autres pays d’Europe, connait une crise de confiance sans précédent face à̀ l’égard de cette institution.
C’est partant de ce constat que j’ai commencé une immersion au Tribunal de Paris. Pendant plusieurs semaines, avec une partie de l’équipe, j’ai rencontré nombre de justiciables, avocats, magistrats. Et j’ai assisté à trente jours de comparutions immédiates.
La comparution immédiate est une procédure simplifiée et expéditive – vingt minutes en moyenne- qui juge l’auteur présumé d’une infraction à sa sortie de garde à vue.Cette procédure de plus en plus répandue favorise largement l’incarcération puisque 70% des peines prononcées sont de la prison ferme.
Or si la finalité́ du droit de punir est le maintien de l’ordre public et l’assurance de la paix sociale, la question est de savoir si le droit pénal moderne, par le biais d’une politique de plus en plus répressive, arrive à̀ accomplir sa raison d’être. Il suffit d’étudier le cas des prisons tant au niveau de la surpopulation carcérale qu’au niveau du cadre social dans lequel les détenus vivent. La réinsertion reste problématique, la récidive élevée et la paix sociale n’est pas atteinte, loin de là. On observe aussi que pour un même délit, le risque d’être placé en détention est multiplié́ par cinq si l’on est sans-domicile fixe. Celui d’être condamné à de la prison ferme, par huit. La répression judiciaire ne s’abat pas de la même manière sur toute la population. La plupart du temps on observe que la punition précède le crime.
En comparution immédiate, l’ordre juridique ne fonctionne pas comme une instance d’intégration et d’organisation collective, il s’inscrit dans les conflits politiques et reproduit des rapports de force. J’ai pu y observer qu’un. e prévenu.e fait rarement face à sa victime mais fait face à un procureur qui pose la société comme la victime de l’infraction. Je pose alors la question : est-ce le code pénal qui fait le crime ou la présence d’une victime ? Est-ce le code pénal qui réclame la justice ou la blessure et sa réparation ? Pourquoi un droit répressif plutôt qu’un droit restitutif qui prendrait en charge la réparation du préjudice subi ?
Je me suis intéressée à la justice transformatrice et à l’abolitionnisme pénal. Ces mouvements consistent à remettre en question le système pénal dans son ensemble (tribunaux, police et prisons) et à imaginer des alternatives. Il s’agit alors d’envisager une véritable confrontation des parties, créer les conditions d’un véritable « débat politique » au sein d’un tribunal où la victime et les besoins que celle-ci peut manifester est au centre des considérations et des décisions. Il s’agit d’obtenir des réponses afin de comprendre l’évènement qu’elle a subi, voir son préjudice reconnu sans charge d’accusation, être réintégrée auprès d’une communauté qui assure sa sécurité, obtenir une réparation du préjudice subi, pouvoir transformer l’évènement afin de lui donner un sens. Dans ce processus, des experts peuvent intervenir, mais leur présence doit être minimale, jamais de porte-parole.
Léviathan se présente comme un contre-espace dans lequel je mets en scène une investigation critique sur nos manières de voir l’organisation et l’application du droit moderne et interroge nos pulsions de jugement et de répression.
Le spectacle met donc en scène des comparutions immédiates en temps réels réécrites par Guillaume Poix. Mais au fil des procédures, celles-ci se disloquent pour tendre vers la possibilité d’un changement de paradigme.
La scénographie conçue avec Anouk Maugein est une immense cathédrale de tissu incarnant l’idée d’une institution qui hérite plus qu’elle ne se construit. Cette masse imposante et versatile se présente tour à tour comme un piège, un abri, une membrane vivante.
Le travail chorégraphique d’Anna Chirescu (mouvements répétitifs, autoritaires et symboliques) et la vidéo en prise directe de Jérémie Bernaert viennent renforcer le vieil adage selon lequel « la justice doit se faire et se montrer en train de se faire ».
J’ai par ailleurs commandé à Loïc Nebreda des masques réalistes que porteront tous les interprètes pour accentuer le caractère désincarnant de notre regard face à cette le caractère désincarnant de notre regard face à cette institution et son fonctionnement mécanique et répétitif.
Avec huit acteurs virtuoses dont un acteur amateur en réinsertion qui se pose comme le garant de notre récit mais aussi son instigateur, Léviathan tente de renverser certaines évidences et d’opérer des points de bascule par-delà le bien et le mal, nous confrontant au dilemme de la violence, son exercice légitime et sa régulation par le droit. Depuis le récit biblique, cette même question cruciale : qui est le monstre ?
Lorraine de Sagazan
254, avenue de La Division Leclerc 92290 Châtenay-Malabry
En voiture : Stationnement libre le long de la Division Leclerc et le long de la rue Jean Baptiste Clément ou au parking de la Mairie Annexe (payant) situé au 301 avenue de la Division Leclerc.