Quel est l’enfoiré qui a commencé le premier ?

Lille (59)
du 26 juin au 2 juillet 2009

Quel est l’enfoiré qui a commencé le premier ?

Dejan Dukovski appartient à une génération qui a commencé à écrire pendant ou après la récente guerre des Balkans. En européanisant ses références, le Macédonien réussit à élargir voire à universaliser l’apocalypse très concrète vécue par son peuple et les peuples voisins en ces années de guerre. Avec les élèves de la 2eme promotion de l'EPSAD.
  • Une violence obsédante

Pour le spectacle de fin d’études de la deuxième promotion de l’École Professionnelle Supérieure d’Art Dramatique, Stuart Seide a choisi l’œuvre d’un jeune auteur macédonien. Dejan Dukovski appartient à une génération qui a commencé à écrire pendant ou après la récente guerre des Balkans. La crise d’identité, on le sait, est propice au théâtre et à ses protagonistes. Ce serait une erreur pourtant de réduire à ses seules origines ethniques et culturelles la violence qui, sous la forme de viols, tortures, meurtres et autres « joyeuses » brutalités, obsède jusqu’à les saturer les pièces de Dejan Dukovski.

  • « Angels in Macedonia »

En dépit d’un titre provocateur qui se rattache quant à lui à toute une modernité théâtrale européenne des années 2000 - de Sarah Kane à Rodrigo Garcia en passant par Marius von Mayenburg -, Quel est l’enfoiré qui a commencé le premier ? est une pièce qui s’inscrit dans la grande tradition littéraire européenne, celle par laquelle, précisément, l’auteur cherche et parvient à désenclaver son écriture. Composée de sept courtes scènes numérotées en « cercles », en référence aux cercles de l’Enfer de Dante, et titrées de noms de vices et de vertus, à la manière tout allégorique des miracles et moralités du Moyen Âge, la pièce cite tour à tour Shakespeare (Hamlet et Richard III), Goethe (Docteur Faustus rebaptisé pour la circonstance Docteur... Phallus !), Tchekhov, Wedekind, Beckett... C’est ainsi que le poète, en européanisant ses références, réussit à élargir voire à universaliser l’apocalypse très concrète vécue par son peuple et les peuples voisins en ces années de guerre.

Un paradis a été perdu dont les anges « à six ailes », à leur tour, perdent leurs plumes, comme une sorte de trace mélancolique ou de ponctuation nostalgique. Le plus souvent satiriques ou parodiques, ces sketches aux tonalités grotesques et bouffonnes s’apparentent aussi aux entrées de clowns, gorgées de pulsions sexuelles irrépressibles et d’angoisses métaphysiques vertigineuses, dont l’expression semblerait hésiter, toujours indécise, entre la farce et le tragique. Car chaque saynète, si provocatrice et outrancière soit-elle, contient en résonance un petit drame philosophique, et c’est alors vers Leopardi et peut-être aussi les futuristes italiens (Balla, Marinetti...) que se tourne la dramaturgie très singulière de Dejan Dukovski, avec cette commune faculté, quasi miraculeuse, de transfigurer le désespoir et l’horreur les plus noirs en lumineuse pulsion de vie.

Yannic Mancel

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Informations pratiques

Théâtre du Nord

4, place du Général de Gaulle 59026 Lille

Accès handicapé (sous conditions) Bar Librairie/boutique Salle climatisée
Spectacle terminé depuis le jeudi 2 juillet 2009

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