Irène Bonnaud, artiste associée au Théâtre du Nord, revisite la tragédie des Suppliantes augmentée de fragments d’autres pièces d’Eschyle et de textes de Violaine Schwartz.
Elle explore ainsi la relation organique qu’entretiennent, dès la naissance de la cité grecque, le droit d’asile et la démocratie. Une relecture qui, de son propre aveu, s’inscrit en écho à des débats actuels.
« Quand on me demande ce que sera mon prochain spectacle, je réponds : une tragédie grecque, une pièce d’Eschyle, l’histoire d’Africaines qui traversent la Méditerranée en bateau et demandent l’asile à l’Europe. Et pour mon interlocuteur, l’affaire est faite, l’actualisation a encore frappé… Sauf que non.
La pièce d’Eschyle, Les Suppliantes, raconte vraiment cela. « Celles qui sont venues (demander l’asile) », dit son titre grec. Des femmes nées en Afrique, menacées d’un mariage forcé, descendantes d’Io, princesse d’Argos et amante de Zeus, viennent chercher refuge au royaume de leur ancêtre.
Que faire de ces femmes et de leur vieux père qui demandent de l’aide ? Des citoyens seront furieux si le roi les accueille, ne s’ensuivront que des ennuis de toutes sortes, elles-mêmes se posent la question : trouveront-elles des amis si loin de leurs foyers, les écoutera-t-on malgré leur accent étranger ?
Aujourd’hui plus personne dans l’Union Européenne ne craint de fâcher Zeus, Dieu protecteur des étrangers et des demandeurs d’asile. Nous n’en sommes plus à ces croyances archaïques. Mais était-ce si bête, cette crainte d’une honte qui montera jusqu’au ciel si l’on refuse son aide à qui en a besoin ? Alors c’est vrai, l’actualité m’a poussée à relire Les Suppliantes...
A l’heure où l’Europe traverse une crise profonde, où le droit d’asile y est réduit à peau de chagrin malgré la violence de notre monde, j’ai eu envie de retourner à Argos, de revenir à cette aurore de la politique et du théâtre qu’est la tragédie grecque. »
Irène Bonnaud
4, place du Général de Gaulle 59026 Lille