Il y a d’abord l’une des plus grandes voix de la poésie du XXe siècle. Le destin d’une poète embarquée dans la tourmente de la révolution russe dont aucun exil ne peut guérir, inexorablement poussée vers le suicide. Ce destin tragique c’est celui de Marina Tsvetaeva, qu’elle a su sublimer au travers de mots chargés d’une force bouleversante.
Ces mots, c’est une autre femme, Carole Bouquet, qui veut les transmettre, les partager à son tour. Carole Bouquet aime profondément l’oeuvre de Marina Tsvetaeva. Depuis plusieurs années, elle en offre d’ailleurs régulièrement les livres. C’est ainsi que l’écrivain Nahal Tajadod, qui vit elle aussi l’exil, a connu Tsvetaeva. Toutes deux s’efforcent aujourd’hui de faire découvrir au plus grand nombre cette voix singulière par la lecture de certains de ses plus beaux textes. Une expérience rare.
Elle n’est ni blanc, ni rouge. Ni avec ni sans. Pour être en relation avec quelqu’un, son mode préféré, c’est le rêve, la lettre et non pas les rencontres. De retour en URSS, après 17 ans d’exil en Europe, en 1941, Marina Tsvetaeva se suicide, à l’âge de 49 ans. Ce soir, par la lecture de ses lettres à Boris Pasternak, elle est Carole Bouquet sur la scène, Nahal Tajadod dans les coulisses et chacun des spectateurs dans la salle, « foule insatiable. »
Je suis un être vivant et j’ai très mal.
Je suis le bouc qu’on veut égorger.
Je suis ce brouet qui bout sur le réchaud.
Je suis dure et aigrie, et on ne m’aime pas, on s’extasie, on a peur.
Je suis malgré tout une femme et tragiquement bien élevée, mariée, des enfants, etc.
Je suis en état permanent de renoncement.
Je suis mauvaise, incapable de partager.
Je suis dure, personne ne m’a appris, ne m’a aidée.
Je suis nombreuse. Innombrable, peut-être ! (Foule insatiable !)
Dans l’amour – et nulle part ailleurs – je suis nerveuse : comme un cheval. Ces oreilles de cheval, pointues, dressées, cette manie de chien courant, le nez aux aguets, qui vient sentir un renard, ou qui peut-être ne l’a pas senti.
Je suis réglée, je vais au marché, je fais le ménage. Pas de livres, il n’y a pas de bibliothèque, ne serait-ce que paroissiale -nulle part où aller.
Je suis un éclair de longue haleine.
Je suis ni en liberté, ni en laisse, ni épouse, ni pas épouse, ni celle de quelqu’un, ni celle de personne.
Lecture par Carole Bouquet d’extraits d’oeuvres de Marina Tsvetaeva, établis par Nahal Tajadod.
L’oeuvre poétique de Marina Tsvetaeva est publiée notamment aux éditions Clémence Hiver et chez Poésie / Gallimard.
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