De kraches en débâcles, le monde occidental malmène ses populations au point de créer des phénomènes de société particulièrement sordides. La recrudescence de la délinquance des personnes âgées en est un example, point de départ de l'écriture de cette pièce. Pour finir ses jours au chaud et le ventre plein, un groupe d'anciens rêve de la prison comme d'un ultime eldorado. Reste à commettre un crime suffisamment grave. Leur choix se porte sur un jeune homme, symbole de la génération qui les a abandonnés.
Toboggan est une oeuvre surprenant dans son propos et dans sa forme. La narration y est fragmentée, les styles s'entechoquent, les images sont parfois violents. Gilda Milin se s'inscrit pas dans la veine du théâtre documentaire. Il se sert de la fiction pour rendre visibles les symptômes d'une société qui se qualifie elle-même de « toboggan », et au-delà, les affres d'un ordre mondial fondé sur la libéralisation et la privatisation. Si le constat est sombre, la pièce est aussi un geste de refus, une lutte contre le désespoir.
« Toboggan part d’un phénomène de société qui est d’abord né au Japon, mais qui tend à se propager dans l’ensemble des pays développés, cette exponentielle concerne aujourd’hui notamment la France, au point que l’Institut International de Recherche et de Formation, en comprenant la portée, a commencé à tirer la sonnette d’alarme. Des personnes âgées, pour qui les différentes aides sociales, pensions ou retraites disparaissent, se sont mises à envisager la prison comme un « nouvel Eldorado social ».
Pourquoi ? Parce qu’en prison, elles sont assurées de pouvoir manger trois repas par jour, de recevoir un minimum de soins en cas de maladie, de pouvoir parler à des gens, etc. Du jour au lendemain, des personnes âgées dans le besoin volent, agressent, tuent, espérant être emprisonnées. Quand on leur pose la question : « Pourquoi avez-vous commis ces crimes ? » Elles répondent majoritairement : « Je voulais qu’on s’occupe de moi ».
Au cours de ces vingt dernières années, au Japon, le nombre de personnes de plus de soixante-cinq ans arrêtées pour vol, agression, meurtre, a été multiplié par presque six – multiplié par deux, rien que ces cinq dernières années. Ces personnes âgées représentent aujourd’hui près de vingt-cinq pour cent de sa population carcérale.
A partir de ce symptôme actuel de l’évolution des sociétés, le projet d’écriture de Toboggan est de développer une fiction projetant dans un avenir proche la naissance d’un petit gang de personnes âgées bien décidées à tout faire pour accéder à cette nouvelle forme de protection sociale : la prison. »
Gildas Milin
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