Un visiteur inattendu

• Polar et roman noir

Un inconnu vient demander de l'aide dans une demeure voisine et tombe sur le cadavre d'un homme dont la femme s'accuse du meurtre...

Dès les premières lignes d'Un visiteur inattendu, l'enquête semble pouvoir être classée. Car le meurtre de cet ancien chasseur, alcoolique et infirme, semble très vite constituer une mesure de salut public et la meurtrière recueillir toute l'indulgence du spectateur : il est méchant, jadis au volant il a tué un enfant et l'on dit même qu'il s'amusait à tirer sur les chats. C'est donc sans grande compassion pour la victime que l'investigation sera menée par un inspecteur plein de charme et de nonchalance...

Alors par quelle magie la suite de la pièce nous laisse-t-elle à ce point suspendus à son issue ?

C'est que l'incomparable Agatha Christie, en reine absolue du crime, touche ici au sommet de son art en alliant polar et roman noir : incroyable intrigue où la scène d'exposition fait place à des aveux, où les alibis se succèdent, mettant à nu une intrigante galerie de personnages, berceau de passions, alors que de nouvelles suspicions viennent infirmer les précédentes et qu'en chacun d'eux un coupable se dessine.

• Un cluedo géant

L'oeuvre d'Agatha Christie serait la plus lue chez les Anglo-Saxons, après la Bible et... le théâtre de Shakespeare ! Elle semble également être, de loin, la plus traduite dans le monde entier. Par quel enchantement une plume vient-elle provoquer un engouement aussi unanime et international ? Cette énigme-là est peut-être finalement, de son oeuvre, la plus évidente et la plus cohérente. Agatha Christie excelle à enchâsser avec aisance tous les genres populaires : la littérature à énigmes, le roman policier, le mélodrame, le divertissement, la comédie.

Auteur de l'anxiété et du plaisir, elle a le don de faire peur tout en divertissant. Elle dédramatise tout en dramatisant, évoquant la brutalité, la fureur et la mort, dans une jubilation subtile et malicieuse inhérente à son écriture.

Chaque pièce d'Agatha Christie se déplie comme un Cluedo géant où le lecteur est comme catapulté dans un jeu de rôle, un jeu de miroir, où il est invité à endosser tour à tour la fonction fantasmée de l'assassin ou du détective. Lire Agatha Christie entraîne chaque fois un retour à l'enfance, à l'innocence ou au péché, aux frissons dans le noir. Après avoir dévoré les huit pièces récemment publiées aux éditions de l'Oeil du Prince, j'ai d'abord choisi d'en isoler quatre qui m'ont tout particulièrement intéressée pour la complexité de leur intrigue et leurs galeries de personnages hauts en couleurs.

Si j'ai finalement opté pour Un visiteur inattendu, c'est avant tout parce que l'action démarre de façon fulgurante, aiguë et fascinante, en brisant la convention habituelle de la scène d'exposition. Il me semble intéressant dans cette histoire - dont la fin donne une multitude d'ouvertures, le coupable semblant interchangeable à l'infini - d'entretenir le mystère et le mélodrame sous-jacent. La mise en scène suggérera par des images et des signes, même en dehors des dialogues, une atmosphère dramatique toute en références et en codes précis. Car le roman à énigmes est soumis à des lois bien plus strictes que celles qui parfois régissent même les oeuvres classiques.

Aux scénographes de jouer avec ces contraintes, tout en cultivant une certaine sophistication (le meurtre, le feu sous l'objectif glacé d'un milieu favorisé), un certain glamour en surface, une esthétique du polar, comme dans les films des années 50 de Douglas Sirk. La forme ici ne sera pourtant jamais ornement, fioriture : elle doit être le terreau du drame et le berceau des passions. Et il faudra y cultiver, y sonder à l'extrême les sentiments flamboyants, excessifs, les amours impossibles, les trahisons, les souffrances secrètes et les mensonges dont Agatha Christie fait état.

Le spectre des sentiments exacerbés et intenses qu'elle développe dans un temps donné (celui de la représentation) est immense, infini, vertigineux. Mettre en scène Un visiteur inattendu, c'est donc explorer aussi la notion de genre littéraire avec laquelle l'auteur joue de manière virtuose.

Ultime et précieux piment à l’intrigue : l'humour (propre à Christie et mis en valeur ici par la qualité de la traduction de Gérald Sibleyras et Sylvie Pérez) qui culmine dans le tempérament plein de charme et de nonchalance de l'inspecteur Thomas. Un meurtre dont l'assassin s'accuse tout de suite ouvre la pièce. Voilà qui est inhabituel, mais obéit cependant aux règles du genre avec une légère inflexion : d'ordinaire, le meurtre initial est suivi de la mise en cause d'un suspect que tout accuse. Mais dans les deux cas, on sait bien que l'évidence du départ sera démentie par l'enquête.

Et c'est celle-ci qui est l'objet de la pièce : recherche des alibis de chacun et des mobiles du crime, nouvelles suspicions infirmant les précédentes, éventuelle élimination d'un témoin... Ce sont là les recettes du roman à énigmes qui avance ainsi vers la révélation finale avec plus ou moins de surprises. Ici, il y en a beaucoup mais surtout les diverses solutions successives trouvées au dénouement (qui ne s'excluent aucunement) montrent l'incomparable virtuosité de l'auteur (plus encore que du détective) qui exhibe au théâtre toutes les règles du genre en les dépassant.

Ainsi la recette est-elle complète : polar, énigmes, mélodrame, humour, comédie et jeux de l'enfance. Incorporer ces ingrédients avec d’infinies précautions pour toucher du doigt le génie d'Agatha Christie, voilà une aventure pleine de promesses !

Frédérique Lazarini

• La presse

« S'il est difficile d'être passé à côté de ses histoires policières, leur délicieux et ironique humour british, on connaît moins le théâtre d'Agatha Christie. Avec la gaieté qui reste sa marque, Frédérique Lazarini offre un plaisir sophistiqué en créant un spectacle tout en clins d'oeil et nourri d'un certain mélodrame aussi. Elle jongle habilement avec les illusions de la fiction et entraîne un public vite consentant dans un savoureux vertige. » Fabienne Pascaud, Télérama Sortir TT

« Frédérique Lazarini met en scène Un visiteur inattendu avec une troupe irréprochable. Comme souvent chez Agatha Christie, les apparences sont trompeuses. Frédérique Lazarini multiplie les fausses pistes pour perturber le public qu'elle met dans sa poche avec plusieurs rebondissements, jusqu'au final. La Reine du crime ne dédaigne pas l'humour et observe ses personnages avec malice. À déguster en buvant un verre de brandy. » Nathalie Simon, Le Figaroscope

« Frédérique Lazarini met en scène cette enquête policière loufoque et fantastique à l'inspiration revendiquée : Hitchcock, les princes de l'épouvante, le Grand-Guignol. Le jeu baroque des comédiens rappelle les mélodrames de Douglas Sirk. Une course folle dans la brume de la vengeance. » Catherine Robert, La Terrasse

« Une énigme où tous peuvent être coupables et où ce n'est qu'à l'extrême fin que le mystère se dissipe, quel bonheur pour le spectateur qui se plaît à se transformer en détective. » Micheline Rousselet, Snes-Fsu

« Cette version, où les huit comédiennes et comédiens excellent, dans l'épaisseur qu'ils communiquent à leur personnage, ne déroge pas au plaisir que nous avons à nous confronter à l'esprit sagace, à l'humour fin d'Agatha Christie. Jouissif. Christian Kazandjian, La Grande Parade

« Frédérique Lazarini donne toute la place à la dérision et à l'ironie en utilisant avec délice les codes et les références des aventures policières cinématographiques ou du polar théâtral. N'attendez pas le visiteur, il est inattendu, allez le voir ! » Frédéric Perez, Spectatif

« Un visiteur inattendu est une pièce idéale et absolument tout public. Les touches d'humour, particulièrement portées par le commissaire, la folie, l'amour, la trahison. » Amélie Blaustein Niddam, Toute la Culture