Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma nous font découvrir un auteur allemand, August Stramm, qui s’est tenu hors des milieux littéraires et théâtraux, et fut pris deux ans d’une rage d’écriture avant de mourir dans les tranchées en 1915.
Stramm se révèle un écrivain traversé par le théâtre réaliste, symboliste, expressionniste et la psychanalyse naissante. Dans ces trois courtes pièces, Stramm est un observateur implacable de ce qui fait agir les hommes, désir, jalousie, névrose. L’étrangeté de cette œuvre vient de la fusion qu’il opère entre l’extrême élaboration du langage, lui conférant la qualité de poème dramatique, et le fondement concret, charnel, réaliste des pulsions des protagonistes.
Dans un même espace, des comédiens magnifiques exacerbent ce laboratoire de l’humain. Leur virtuosité nous entraîne, nous laissant une sensation de vertige.
Les trois courtes pièces d’August Stramm sont données dans l’ordre de leur écriture. On passe de la drôlerie féroce de Rudimentaire au symbolisme de la Fiancée des Landes et à la cruauté implacable de ce qui n’est pas dit de Forces.
Traduit de l’allemand par Huguette et René Radrizzani, Editions l’Act Mem.
"Comment jouer August Stramm ? La réponse qu’offre la comédienne Dominique Reymond est tout aussi folle. Un tour de force (c’est le cas de le dire). Une combustion plutôt. Flamme dans une robe sombre, ondoyante, crépitante, glaçante, boule de nerfs diaphane, son apparition embrase la scène (...), comme si l’étrange bûcher édifié dans les deux premières pièces n’attendait qu’elle." René Solis, Libération, 9 juillet 2008
"[...] Avec Forces, troisième volet de ce tryptique incandescent, l'écriture de Stramm se radicalise pour atteindre une densité que traduit parfaitement la tension d'une mise en scène au bord de la rupture. Mêlant vaudeville improbable et drame bourgeois à la Strindberg, Stramm pousse la forme jusqu'à son paroxysme, plaçant son personnage principal, magistralement interprété par Dominique Reymond, au centre d'un champ de forces contradictoires. Liant tragique et parodie, la pièce explore une faille schizophrénique hérissée de cris et de rires brusques. A la fois glace et feu, Dominique Reymond invente un jeu dissocié, autant stridence que silence. Fêlure, hystérie et somnambulisme. Sadisme et quête d'absolu. Du théâtre en biais, stylisé à l'extrême. Le langage comme miroir brisé aux arêtes coupantes. Sanglant, fou, éblouissant." Hugues Le Tanneur, Les Inrockuptibles
"[...] C’est un théâtre de l’extrême que Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma mettent en scène au fil d’un spectacle tout en ruptures qui peut, de prime abord, dérouter. (...) Prodigieuse, Dominique Reymond est l’interprète fascinante de l’« épouse », dans un jeu où sa voix et son corps semblent se déconstruire et se reconstruire en permanence, en accord parfait avec les mots qui surgissent par bribes, comme s’il n’était plus de langage possible. À ses côtés, passant d’une pièce à l’autre, ses compagnons de scène se mesurent à son aune : Julie Denisse, Mathieu Montanier, Jean-Louis Coulloc’h, Axel Bogousslavsky. Tous entraînant le public, déconcerté, dans les abysses d’un théâtre marqué par deux hantises : la présence de la mort et la peur de ne pas être aimé." Didier Méreuze, La Croix
"[...] Dominique Reymond mène ce bal des maudits. Ce qu’elle nous offre tient du prodige. En robe du soir et chignon strict (costumes d’Olga Karpinsky), elle s’avance en toute étrangeté, légère, dansante, subtilement agitée de tics d’invention (quelque chose à lieu, là, sous nos yeux, qui tient à l’évidence d’une inspiration d’ordre poétique irriguant tous ses muscles et tous ses nerfs). On dirait une actrice de kabuki, une diva d’opéra sous effet hallucinogène, avec de soudaines variations de timbre ; du grave à l’aigu jusqu’à la raucité inattendue. Elle a des rires et des cris, fréquents mais jamais pareils. Quel beau tableau clinique peint-elle à vue, en toute intelligence et maîtrise, de l’hystérie sans laquelle le théâtre n’aurait jamais lieu." Jean-Pierre Leonardini, L'Humanité
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