Au fil de ses romans, Fédor Dostoïevski fouille les mouvements complexes, souvent contraires, qui habitent les âmes. Dans Les Frères Karamazov, sa dernière oeuvre publiée en 1879, il rassemble sa conception du monde sous une question immense : celle du sort de l’homme libre, défait d’un dieu qui lui dicterait une règle.
Bien et Mal, injustice et justice, intégrité et corruption sont des thèmes que Jean Bellorini a déjà soulevés en portant à la scène les oeuvres de Victor Hugo, Rabelais, Ferenc Molnár et Bertolt Brecht. Par cette troisième adaptation d’un roman monumental, il sonde plus loin les tensions entre liberté et croyance, entre chemin personnel et inscription au monde, en donnant part égale à la langue, au silence, au chant et à la musique pour tenir le récit.
Enquête policière et métaphysique, Les Frères Karamazov dépeint le destin d’une famille éclatée et les conflits intérieurs qui poussent l’un de ses membres au parricide. Le passionné Mitia, l’intelligent Ivan et Aliocha, le jeune mystique, sont les fils de Fiodor, vieil homme dépravé qui étale sa bassesse. Smerdiakov, le fils illégitime, nourrit son aigreur et sa fourberie en restant serviteur dans la maison. Non loin, une autre famille, modeste et honnête, est déchirée par une humiliation. C’est l’angle par lequel Jean Bellorini aborde les grands tourments qui rongent les Karamazov. Comme une cellule pure au centre d’un monde dur, une datcha de verre abrite les proches d’un enfant meurtri, Ilioucha, qui portent les enjeux de la fresque tout entière.
« Un spectacle qui ne cherche pas à tout crin la modernité, mais respire, entraîne, libère les émotions. » Brigitte Salino, Le Monde, 18 juillet 2016
« Tous [les comédiens] s’emparant avec une belle énergie communicative de leurs personnages, en épousant les affres, les contradictions, les tourments. Offrant au public, avec une vérité rare, leur humanité. » Didier Méreuze, La Croix, 15 juillet 2016
« Dans ce canevas complexe, tissé de haines familiales et d’interrogations existentielles, on parvient à suivre la ligne claire bellorinienne de bout en bout. » Frédérique Roussel, Libération, 14 juillet 2016
« On ressort ébranlé et conquis. » François Varlin, Théâtral magazine
« Une belle démonstration, qui jamais ne s'égare dans le gigantisme de l'œuvre. » Olga Bibiloni, La Provence
« Jamais surplombant ni haut perché, Jean Bellorini met en avant l'esprit collectif et révèle davantage un tempérament de... chef d'orchestre. » Emmanuelle Bouchez, télérama
« Pour son grand retour dans la programmation du Festival d’Avignon, la carrière de Boulbon accueille l’adaptation d’une œuvre monumentale de la littérature russe : Les frères Karamazov de Fiodor Mikhaïlovitch Dostoïevski. A la mise en scène, le directeur du Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, le jeune et talentueux Jean Bellorini. » Jean-François Cadet, RFI
« Dans la carrière de Boulbon, rouverte à l'occasion de la 70e édition du Festival d'Avignon, le jeune et brillant metteur en scène français Jean Bellorini revisite le roman dostoïevskien du parricide. » Arte
« Il faut encore avoir du chaos en soi pour pouvoir enfanter une étoile qui danse. » Ainsi parlait Zarathoustra , Nietzsche
En 2008, Patrice Chéreau faisait une lecture du Grand Inquisiteur au Théâtre du Soleil. C'est là que j'ai rencontré Les Frères Karamazov. Patrice Chéreau qualifiait ce passage de texte essentiel, posant brutalement la question du besoin de religion.
Ce n'est sûrement pas un hasard si, après m'être approché de Victor Hugo et de Rabelais, c'est à la suite de la création de La Bonne Âme du Se - Tchouan de Brecht que je me suis décidé à m’attacher plus intimement aux Frères Karamazov. Œuvre vertigineuse, au delà de la question du bien et du mal, ce sont les concepts de liberté et de servitude, d'autorité et de culpabilité, qui sont abordés. Nous assistons aux récits de la haine ordinaire, faisant écho si fort aux tragédies contemporaines.
Les hommes du XXe siècle ne sont-ils pas ceux qui inventeront le mal radical, systématisé, normalisé, rationalisé ? Pourquoi les hommes ont-ils été abandonnés ? Livrés à la liberté, cet horrible fardeau ! Pourquoi le Christ a-t-il méconnu le besoin qu'a l'humanité d'être soumise à une autorité qui la rassure et la contraint à l'adoration, la délivrant de l'affreux vertige d'avoir à se poser des questions ? Les personnages que nous offre Dostoïevski côtoient le grotesque et le tragique, tendent vers la foi et l'impiété. Ils explorent les zones inconnues du soi-disant bien comme du mal et repoussent leurs limites au delà de la folie. Ces personnages sont en lutte et semblent répondre à cette parole des Frères Karamazov « L'homme est trop vaste, je le rétrécirai. »
Trois fils rouges. Aliocha et la famille, récit du meurtre. Aliocha et Lisa, récit d'amour. Aliocha et le groupe d'enfants, récit de l'innocence et de l'injustice. « Le monde de la connaissance ne vaut pas les larmes du petit enfant » disait Leibniz.
Alors il y a la troupe. Il y a cette parole folle. Il y a la traduction d’André Markowicz. Cette parole partagée dans le roman de Dostoïevski n'apparaît pas comme du discours, il n'y a pas non plus la délivrance d'une vérité mais la liberté de la confrontation d'idées, dans la coexistence des contraires. C'est la langue polyphonique de Dostoïevski. Le chœur prendra en charge cette langue. Ensemble. C'est l'acte de proférer ensemble le poème qui sera notre point de départ. Les situations apparaîtront derrière la force de la littérature. Le théâtre dans sa forme classique sera repoussé au plus loin derrière les mots et les impressions de la langue mise en vie. Un travail sur la langue, rapide, fluide, une langue folle, les passions, les interrogations aussi vertigineuses rendent ivre, tout cela devra se retrouver dans l'éloquence des acteurs, dans la précision du dire.
Je rêve d'un spectacle terrible et joyeux. Car le mystère de la vie humaine n'est pas seulement de vivre, mais de savoir pourquoi l'on vit. (...) il n'y a rien de plus tentant pour l'homme que la liberté de sa conscience, mais rien de plus douloureux. Un spectacle qui pourrait rendre hommage à la richesse de la langue. Une langue qui donne de l'impression plutôt que d'aller vers de l'expression. L'hymne au sensible, au présent. Le travail musical, le choral, ira droit vers cette prise en charge nette et complexe.
La musique sera très présente. Chants religieux. Chants de la débauche. Les instruments joués par tous les acteurs viendront prendre le relais des voix pour célébrer cette prière qui viendra déborder. Nous serons devant une grande datcha ouverte qui abritera d'un côté la musique le battement de cœur du spectacle, la vie et la lumière de cette histoire, de l'autre côté la chambre du petit Ilioucha, espace réaliste et délabré. Le grand toit de la maison sera notre théâtre des songes. Tout autour, il y aura de la terre sombre sur laquelle se déplaceront des plateaux, espaces de vie portant / transportant / supportant les personnages de Dostoïevski. Ces personnages seront conduits sur ces planchers qui glisseront les uns vers les autres, se croiseront, se retrouveront, s'éloigneront.
Il y aura des traces d'un lieu de culte. Du sacré. Des cloches. Des cages de verre – comme des petites pièces transparentes dans lesquelles on peut observer à la loupe la pâte humaine.
Jean Bellorini
Remarquable travail d'adaptation qui tenait du défi, en raison de l'ampleur et de la complexité de l'oeuvre. Les personnages sont tous remarquablement incarnés et la mise en scène est d'une grande justesse. On ne voit pas le temps passer ! Le travail théâtral de Jean Bellorini au service de Dostoïevski est aussi convaincant que pour Rabelais et Hugo.
Pour 1 Notes
Remarquable travail d'adaptation qui tenait du défi, en raison de l'ampleur et de la complexité de l'oeuvre. Les personnages sont tous remarquablement incarnés et la mise en scène est d'une grande justesse. On ne voit pas le temps passer ! Le travail théâtral de Jean Bellorini au service de Dostoïevski est aussi convaincant que pour Rabelais et Hugo.
59, boulevard Jules Guesde 93207 Saint-Denis
Voiture : Depuis Paris : Porte de la Chapelle - Autoroute A1 - sortie n°2 Saint-Denis centre (Stade de France), suivre « Saint-Denis centre ». Contourner la Porte de Paris en prenant la file de gauche. Continuer tout droit puis suivre le fléchage « Théâtre Gérard Philipe » (emprunter le bd Marcel Sembat puis le bd Jules Guesde).