L'émission de télévision

le 10 mai 2005
1H50

L'émission de télévision

Delile : On était quelqu'un / Tout d'un coup on n'est rien / La trappe s'ouvre sous vos pieds / Vous restez avec votre carcasse physique vous ne savez pas quoi en faire / Sinon la cacher aux yeux des autres.

L'histoire
Les personnages

Didascalies d'introduction

Une singulière « comédie »

Bonté

La comédie de l'audio-visuel

Avec L’Emission de télévision, Michel Vinaver signe la plus moliéresque de ses pièces. Avec quel malheur ? Le plus contemporain, le Chômage.

Deux cinquantenaires privés d’emploi sont candidats pour illustrer leur condition dans une émission de télévision. Deux jeunes louves audiovisuelles, rivales elles-mêmes, en font des rivaux. Lequel des deux deviendra héros à « la télé » ? Et quand l’un d’eux est assassiné, qui a tué ? se demandera le petit juge...

L’émission de télévision est une comédie où il n’est pas plus gai d’être chômeur ou « battante du PAF » qu’un cocu ou un battu dans une comédie de Molière. Pour la même raison, elle est la plus drôle, la plus critique, et donc la plus inouïe des peintures de notre temps.

Jean-Loup Rivière - Ed. Actes Sud-Papiers

Haut de page

Pierre Delile, 53 ans
Rose Delile, sa femme, 50 ans
Paul Delile, leur fils, 24 ans
Nicolas Blache, 52 ans
Caroline Blache, sa femme, 46 ans
Hubert Phélypeaux, juge d’instruction, 28 ans
Estelle Belot, greffière, 25 ans
Béatrice Lefeuve, journaliste à la télévision, 35 ans
Adèle Granjouan, journaliste à la télévision, 30 ans
Jacky Niel, journaliste pigiste, 22 ans.

Haut de page

Ni décor, ni musique, ni bruitage. Le strict minimum d’éléments mobiliers : ceux qui servent au jeu. L’éclairage d’une part, la forme et la facture des tables, chaises, lits, portes et accessoires d’autre part différencient les lieux, qui sont au nombre de six, et qui ne sont pas localisés de façon immuable sur le plateau.

La pièce est d’un seul tenant. Elle se joue sans pauses entre les scènes. La mise en place des acteurs d’une scène et du mobilier correspondant se fait à vue pendant que se termine la scène précédente, de façon à permettre l’enchaînement instantané. Un peu comme si le spectateur, muni d’une télécommande, zappait face à l’espace de jeu.

Michel Vinaver

Haut de page

Le désir de monter « l’Emission de télévision » de Michel Vinaver m’est venu l'été 2000, au cours des Troisièmes Rencontres Théâtrales de Haute-Corse organisées par Robin Renucci ; le cinéaste Christian Palligiano y mettait en espace la pièce sur une place de village, avec les moyens les plus simples, et m’avait demandé de jouer le rôle du « chômeur de plus de cinquante ans » Pierre Delile.

C'est ainsi que j'ai découvert ce texte que je ne connaissais pas. Et c'est ainsi que j'ai constaté à quel point cette singulière "comédie" pouvait toucher le public le plus large par la savante et réjouissante imbrication de ses thèmes : le chômage et les désastres en tout genre qu’il engendre, la manipulation télévisée, ses ravages et ses mirages, mais aussi les aléas de la vie conjugale, la difficulté d’être « père », mais encore l’obsession de la réussite sociale, la peur du ratage, de l'humiliation, de l’exclusion. Tout se mêle ici, s’entrelace, s’organise dans cette écriture si particulière de Vinaver - simple et musicale à la fois - pour nous proposer comme un tableau du sombre univers social et psychique dans lequel nous baignons aujourd’hui.

Vinaver ne donne pas de leçons, il peint des paysages. En l’occurrence, ici, celui de la dite société du spectacle ; une société qui n’est pas seulement celle où le spectacle - toutes les activités humaines mesurées à l’aune du divertissement - prolifère à n’en plus finir, mais aussi et surtout celle où chacun, pressé par l’hégémonie du marketing, court le risque de devenir spectateur de plus en plus passif d sa propre vie. De ce point de vue là, nous ne sommes pas loin de la violence tragique. Mais n’est-ce pas le caractère premier de toute grande comédie ?

C’est là, en tout cas, un paradoxe que Vinaver assume tranquillement. Le monde qu’il nous décrit est certes très noir, mais il y a, traversant son écriture, comme une légèreté ironique, une position foncièrement amicale à l’égard de ses personnages, qui font que nous ne désespérons pas tout à fait ni du monde ni de nous.

René Loyon, nov 03

Haut de page

Le titre de la pièce est difficile à dire, c’est une ruse, un attrape-nigaud.
« On va voir l’Emission de télévision.
- Quelle émission de télévision ?
- Non, la pièce de Vinaver ».
Ou bien (pour les acteurs), « Je joue l’Emission de télévision… » Etc. Il y a certainement là une malice, quelque chose qui est fait pour nous embrouiller.

Vinaver nous embrouille avec la vie quotidienne. On a dit, pour qualifier son œuvre, cette expression vulgaire : le théâtre du quotidien, un théâtre au quotidien. Mais non : il nous trompe ; ce n’est pas du quotidien qu’il s’agit, c’est de la grande Histoire ; seulement il sait en extraire l’essence en regardant les gens vivre.

La barque de l’amour s’est brisée contre la vie courante. Ainsi traduit-on ce vers de Maïakovski par lequel il expliquait à l’avance son suicide, l’impossibilité de vivre dans la vie courante. Cette traduction exagère le sens du mot employé par le poète ; il parlait de la vie ordinaire, mais cette vie courante contre laquelle se brise la barque évoque la vague énorme des événements mesquins, qui semblent ne pas faire partie de l’Histoire, et pourtant sont l’Histoire même.

Vinaver voit la grandeur dans la petitesse. Un homme, à une table de bistrot, qui offre un coup à boire à un autre, peut-être, si je regarde assez attentivement son geste, verrai-je en lui le roi Lear se dépouillant de son royaume, ou Richard II livrant sa couronne. Donner est toujours donner, quoi que l’on donne. Vinaver ne met à la scène que des verbes ; les substantifs sont négligeables ; les substantifs sont le décor, la contingence. Mais donner, prendre, humilier, honorer, faire place, ou refuser place, battre, aimer, tous ces verbes d’action - et pas seulement les verbes de passion ou souffrance comme pleurer ou rire, qui, eux, sont de toute façon universels, on le sait trop bien -, tous ces signes de l’intention et de la volonté rapprochent entre elles les conditions humaines.

Je ne dirai pas que la vie d’une femme de chambre dans un hôtel modeste vaut bien celle d’une déesse de l’Antiquité grecque ou romaine ; non je dirais qu’elle est faite de même étoffe. Un chômeur en fin de droits, pris dans un grand dilemme, est soudain sous mes yeux Hamlet.

Et inversement, quelle leçon lorsque je vais au théâtre voir nos grands héros classiques ! Le Cid me semble moins grand, Electre moins inaccessible, ma pratique de Vinaver les apprivoise. Non pas qu’il les rabaisse ! Il n’y a plus de grands ni de petits. Tout au plus, on dira que les grands, les princes, les rois de légende et de tragédie, sont comme des rêves, les gens ordinaires peuvent se comparer aux rêves.

La psychanalyse déjà nous en donne le droit. Par quoi sans doute elle a fait le plus de bien à l’humanité : vous avez dans votre tête un opéra fabuleux, chacun de nous possède les mythes immortels, nul n’en est indigne. C’est la bonté, cela. Une leçon d’encouragement. Il n’ y a plus d’aristocratie des sentiments. Ces gens, dans leur cuisine, ont un destin tragique, ils sont beaux.

Ah ! Nous rendre la beauté ! Cela était nécessaire, il en était temps. Au début de ce siècle. Tchekhov croyait qu’elle était définitivement passée, le complet veston ne pouvait représenter que la parodie des grandeurs. Comment être beau dans le costume des bourgeois ? Et si, pourtant, dit Vinaver, pas moins et pas pour rire.

Nous ne sommes donc pas déchus, nous pesons sur la terre. Il fallait que cet encouragement vînt du théâtre, et de cet homme fraternel.

Michel Vinaver par Antoine Vitez, Noël 89

Haut de page

Un texte d’une très grande intensité clôt à ce jour la production de Vinaver : intitulé « Comédie » (…) non pas indûment, parce qu’elle est réellement la comédie de l’audio-visuel, elle est aussi une pièce de la violence tragique, et, comme la précédente, repose sur un fait divers.

Deux ex-chômeurs (mais dont le travail actuel est sans garantie) sont sollicités pour parler de leur cas dans une émission télévisée : c’est peut-être une chance. Ils sont voisins et furent amis. L’un des deux, Delile, semble devoir être choisi, mais c’est l’autre, Blache, qui, finalement sera l’élu.

Avant l’émission cependant on trouve Blache assassiné. Par qui ? Par Delile (aussitôt devenu le suspect numéro un) ? Par Paul, le fils de Delile, qui pourtant hait son père et néanmoins se dénonce ? D’autres hypothèses ne sont pas à exclure, et le juge d’instruction Phélypeaux s’essaie en vain à débrouiller les fils ; la réalité, cette réalité-là lui échappe. Réalité du travail et du chômage ; réalité des rapports vrais entre les êtres ; réalité de l’univers télévisuel.

Comme toujours chez Vinaver, mais davantage peut-être encore dans cette pièce, le détail biographique, psychologique, social est d’une extrême complexité. La « vérité » ? Le spectateur ne la saura pas.

Anne Ubersfeld
(« Vinaver Dramaturge »)
Ed. Librairie Théâtrale 1989

Haut de page

Vous avez vu ce spectacle ? Quel est votre avis ?

Note

Excellent

Très bon

Bon

Pas mal

Peut mieux faire

Ce champ est obligatoire
Ce champ est obligatoire

Vous pouvez consulter notre politique de modération

Informations pratiques

L'Azimut - Théâtre F. Gémier / P. Devedjian

13, rue Maurice Labrousse 92160 Antony

  • RER : Antony à 191 m
  • Bus : Théâtre - Mairie à 123 m, Gare d'Antony à 157 m, Antony RER à 206 m
  • Voiture : par la N20. Après la Croix de Berny suivre Antony centre puis le fléchage.
    15 min de la porte d’Orléans.
    Stationnement possible au parking Maurice Labrousse (gratuit à partir 18h30 et les dimanches), au parking du Marché (gratuit pendant 3h après validation du ticket de parking à la caisse du théâtre) et au parking de l’Hôtel de ville (gratuit pendant 1h15).

Calcul d'itinéraires avec Apple Plan et Google Maps

Plan d’accès

L'Azimut - Théâtre F. Gémier / P. Devedjian
13, rue Maurice Labrousse 92160 Antony
Spectacle terminé depuis le mardi 10 mai 2005

Pourraient aussi vous intéresser

- 27%
Eva Rami - Va aimer !

Pépinière Théâtre

Exit

Ferme du Buisson

4211km

Studio Marigny

- 51%
Nos années parallèles

Théâtre des Mathurins

Spectacle terminé depuis le mardi 10 mai 2005