La Pietra del Paragone

En italien surtitré.

• Un marivaudage à l'italienne

Soupçonnant les amoureuses et les courtisans qui l’entourent de n’en vouloir qu’à sa fortune, le riche et beau comte Asdrubale décide de mettre leurs sentiments à l’épreuve. il élabore donc un stratagème : la « pierre de touche » (pietra del paragone). S’ensuit une cascade de rebondissements et travestissements en tous genres qui ne sont pas sans évoquer Marivaux ou le Così fan tutte de Mozart.

La partition déborde d’énergie, dans des pages instrumentales et chorales d’une rare virtuosité. La Pietra del paragone, créée en 1812 à la Scala de Milan, allait lancer la carrière d’un Rossini tout juste âgé de vingt ans. C’est cette fraîcheur et le côté loufoque de l’intrigue que l’on retrouve dans la mise en scène de Giorgio Barberio Corsetti où les vidéo-incrustations virtuoses et malicieuses de Pierrick Sorin servaient pour la première fois de décors d’opéra. « Une pierre de touche qui fait mouche », pouvait-on lire dans Télérama lors de la création de cette production en 2007.

Musique Gioachino Rossini
Livret Luigi Romanelli
Ensemble Matheus, direction musicale Jean-Christophe Spinosi
Choeur de l'Armée Française, chef du choeur Aurore Tillac

• Un triomphe pour le jeune Rossini

C’est un compositeur âgé tout juste de vingt ans qui se voit proposer une commande du Teatro alla Scala de Milan en août 1812. Créée le 26 septembre de la même année, La Pietra del Paragone, comédie en deux actes, obtient un tiomphe qui lui vaudra d’être jouée cinquante-trois fois au cours de la même saison. Ce contrat émanant de l’un des plus illustres théâtres n’est toutefois pas le fruit du hasard, Rossini n’en étant pas à son coup d’essai. Après un premier ouvrage lyrique, Demetrio e Polibio, probablement écrit vers 1806, le jeune homme compose différentes farces, créées avec un grand succès au théâtre San Mosè de Venise. Ces œuvres témoignent tout à la fois d’une prédisposition évidente pour le comique et d’une maturité d’écriture qui place d’emblée Rossini dans la droite ligne de Mozart et de Cimarosa.

Pour la Scala, le jeune compositeur avait été recommandé par des grands chanteurs de l’époque, Marietta Marcolini et Filippo Galli, auxquels Rossini octroiera le rôle des amoureux dans sa Pietra del Paragone. Le livret, empreint d’une grande finesse, est dû à Luigi Romanelli, excellent auteur attaché au grand théâtre milanais. Le versant « buffa » de l’œuvre, avec ses personnages travestis qui ne sont pas sans évoquer le Così fan tutte de Mozart, se double d’irrésistibles satires de plumitifs (le journaliste Macrobio et le poète Pacuvio) et de coquettes vénales (la Baronne Aspasia et Donna Fulvia). Les moments de divertissement, légers et d’un rythme endiablé, alternent avec des scènes tendres et mélancoliques dévolues aux protagonistes, la marquise Clarice, le comte Asdrubale et le chevalier Giocondo.

Quant aux voix, elles se font admirer tant dans les arias de solistes que dans des ensembles faisant la part belle au canon. Après le triomphe remporté à la Scala, la carrière de Rossini est lancée : peu après, le jeune compositeur verra s’ouvrir devant lui les portes du plus grand théâtre italien, le San Carlo de Naples. La Pietra del Paragone, aujourd’hui tombée dans l’oubli, suscita l’engouement de Stendhal, qui la considérait comme le chef d’œuvre bouffe de Rossini. Il avait vu juste : ce melodramma giocoso marque bien l’éclatante révélation du génie rossinien.