Échoué telle une baleine « à la panse majestueuse » dans la petite ville de Windsor, Falstaff s’empresse de faire la cour à deux bourgeoises pleines de bon sens, Madame Duflot et Madame Lepage, qui ont tôt fait de remarquer qu’il en veut plus à leurs écus qu’à leurs charmes. Les matrones, piquées dans leur honneur, s’ingénient à lui jouer des tours pendables, dans une atmosphère d’allégresse et de fête saisonnière confinant au surnaturel quand l’ultime mésaventure se joue dans une forêt peuplée d’esprits facétieux.
Falstaff, personnage truculent et joyeux, mais que la vieillesse rend aussi mélancolique, fait ici les frais de la cruauté de l’âme humaine, à la fois tourmentée par des désirs transgressifs et une morale puritaine. Conte de taverne dont les nombreux épisodes dressent un portrait vivant et gai de la sociabilité ordinaire du XVIe siècle anglais, la pièce ouvre aussi une porte sur le monde magique qui habite chacun de nous.
Selon la légende, la reine Elizabeth aurait exprimé le désir de voir Falstaff amoureux, à la suite de la pièce historique Henri IV, où il apparaissait en compère indispensable du Prince Hal. Shakespeare aurait composé cette comédie mâtinée de farce pour la satisfaire en 1597 ou 1598. La description savoureuse d’humour de la vie provinciale en Angleterre fait pendant à la comédie italienne de La Mégère apprivoisée (1590). La fête nocturne pendant laquelle les personnages, contrefaisant des elfes et des fées, effraient et confondent publiquement Falstaff, prend des allures parodiques quand on la compare au monde des esprits décrits dans Le Songe d’une nuit d’été (1595). Comédie aimable… en apparence, ce dernier canular peine à faire oublier qu’on se moque ici d’un vieillard pitoyable qui a le défaut d’incarner tous les vices refoulés d’une société.
Place Colette 75001 Paris