Merlin ou la terre dévastée

du 20 novembre au 19 décembre 2009
3H30

Merlin ou la terre dévastée

Le collectif des Possédés s'empare de l'oeuvre monumentale de Tankred Dorst. Merlin nous raconte une histoire de notre temps : l'échec des utopies dans un monde qu'il compare à une terre dévastée.
  • " L’homme n’est de l’homme qu’un rêve. "

C’est à la fin des années 70 que Tankred Dorst, né en 1925, écrit Merlin, son œuvre monumentale. Il y raconte une histoire de notre temps : l’échec des utopies, dans un monde qu’il compare à une terre dévastée. Tel Merlin, fils du Diable et meneur du jeu, qui connaît le passé et l’avenir, il se joue du temps et de la forme, et rapporte le mythe de la Table Ronde à une dimension humaine. Les héros se trompent, doutent, aiment, trahissent. Et lorsqu’il faut arrêter la guerre et partir à la quête du Graal, certains délaissent leurs rêves héroïques et s’emparent du pouvoir pour l’argent, le prestige et les femmes.

Les acteurs du collectif Les Possédés, ont créé depuis 2002 de très fortes rencontres avec le public par le partage d’une parole intime — d’Oncle Vania de Tchekhov aux pièces de Lagarce, Le Pays lointain et Derniers remords avant l’oubli. Avec Merlin, il s’agit d’en venir à un théâtre plus physique, où les corps échappent à la raison et se font l’expression de toutes les pulsions. Ils veulent confronter le naturel de leur théâtre à la flamboyance du conte. Sans rien perdre de la puissance joyeuse de l’épopée, ils exploreront le juste écart de jeu qui sépare l’acteur du héros, le héros de l’humain.

  • Une autre réalité

On ne comprend jamais complètement ce qui préside au choix d’une pièce et le désir qu’on a de la monter. Le désir, par essence, échappe à la raison, et c’est tant mieux. Lorsque j’ai lu Merlin ou la Terre dévastée, j’ai ressenti de la joie. Je sais c’est un vieux mot,un peu galvaudé, trop général, et qui, peut-être, ne veut plus rien dire, ce mot-là, joie. Mais, voilà, c’est ce que j’ai ressenti, de la joie. Une forme de puissance joyeuse, plus exactement, et qui serait le poumon de cette généreuse et folle épopée.

Chez Tchekhov et Lagarce, il fallait en passer par la parole, l’intime de la parole, pour atteindre à l’émotion des corps, une façon de tendre à l’universel. Chez Dorst, le trajet semble inverse : nous devrons passer par les pulsions des corps pour atteindre à l’intime de la parole, autre façon de tendre à l’universel. À une époque où tout s’analyse et se comprend, il me semblait nécessaire et rafraîchissant de se plonger dans un théâtre instinctif, où la vie est avant tout une réalité à éprouver. Et par la même occasion, redonner à ces mots-là instinct, pulsion, une signification moins péjorative qu’aujourd’hui, une légitimité civilisante. Chaque homme porte en lui, à égalité, une part d’humanité et d’inhumanité. C’est de ça aussi dont parle Merlin, les forces de construction et de destruction qui sont à l’oeuvre en chacun de nous et qui font de nous des êtres, par essence, fondamentalement bons et mauvais.

Il y a aussi du jeu dans Merlin..., du jeu théâtral, du théâtre dans le théâtre, comme on dit. Beaucoup plus que chez Lagarce et Tchekhov. Du jeu au sens noble, pur et archaïque du terme. Nous réaffirmerons la place essentielle qu’occupe l’acteur dans le théâtre qu’on se propose, et nous réinterrogerons les relations multiples qu’il doit entretenir avec le public et son partenaire, en fonction de la singularité du texte choisi. Par exemple, nous ne ferons pas croire aux spectateurs que nous sommes ailleurs qu’au théâtre et que, nous autres acteurs, nous ne sommes qu’occasionnellement des personnages. Abolir ce mensonge-là, sera aussi une façon de rétablir, non pas une vérité, mais une forme de croyance. Pas seulement que les spectateurs voient et entendent ça, du « théâtre », mais qu’ils y croient. Qu’ils y croient comme à une autre réalité, à une autre possibilité de la vie. Parce que, comme dirait l’autre, la vraie vie est ailleurs...

Rodolphe Dana

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Spectacle terminé depuis le samedi 19 décembre 2009

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