« Qu’est-ce que le procureur face à l’accusateur qui est en nous ? »
Longtemps avant Perec et sa Vie mode d’emploi, Ferdinand Bruckner, contemporain de Brecht et ami d’Horváth, eut l’idée de faire d’un immeuble tout entier le sujet d’un drame. Écrit en 1929, Les Criminels dévoilent d’étage en étage l’intimité d’une micro société en proie aux convulsions de l’Allemagne de Weimar. Dans un étonnant jeu de simultanéité, se découvrent des « crimes »en tous genres : un maître chanteur menace de dénoncer un jeune homosexuel, une étudiante désargentée porte un enfant qu’elle donnera à une autre femme... Bruckner transporte ensuite sa pièce au tribunal, où des procès en parallèle fouillent la vie privée : au spectateur d’en apprécier la justice...
On redécouvre aujourd’hui cet auteur passionné d’actualité, curieux de psychanalyse, dont le théâtre inventif déclencha en son temps polémiques et enthousiasme. Richard Brunel s’empare avec seize acteurs de ce fourmillement humain en temps de crise. Dans son spectacle incisif, la profondeur des enjeux intimes s’ affronte de plein fouet aux normes rigides d’une société en chute libre.
Avec la participation de Nicolas Hénault, Gilbert Morel. Traduit de l'allemand par Laurent Muhleisen, publié aux Editions Théâtrales.
« Les Criminels ou la vie et le destin des occupants d’un immeuble dont la façade serait soudain devenue transparente. Se dévoile alors l’intimité d’une microsociété hiérarchisée mais unifiée par deux centres d’intérêt : le sexe et l’argent. Derrière un vernis social qui s’écaille facilement, on découvre les mêmes médiocrités, les mêmes lâchetés. Elles conduisent à la transgression de la loi et à la criminalité, sous des formes variées : atteinte aux moeurs, vol, crime. Le spectateur a les cartes en main pour juger les responsabilités mais aussi la façon dont s’exerce la justice.
Dans l’acte II, quatre procès se déroulent dans un temps fictionnel identique afin que soient mis en valeur cette fois l’identité du cérémonial en jeu et les différences dans le traitement des affaires. Le troisième acte enfin lève le rideau sur l’état de l’immeuble après ce cataclysme judiciaire.Tout a profondément changé, une nouvelle génération est propriétaire des lieux, assumant sans vergogne son pouvoir et ses valeurs. Les criminels les plus fragiles ont été punis, parfois injustement ; les plus cyniques construisent une société de vainqueurs qui les rend maîtres du monde comme ils le sont de l’immeuble.
Ici l’épique et l’intime se répondent, s’entrelacent étroitement sans que jamais la pièce soit didactique. L’épique car sans être explicitement nommés, les troubles d’une société en mutation sont bien là, ceux de la République de Weimar, entre le traumatisme de la défaite de 18 et les turbulences de la montée du nazisme.
L’intime car Bruckner nous plonge dans des histoires d’argent, d’amour et de mort. Il nous immerge dans des tranches de vie qui, mises bout à bout, forment des destinées à défaut de constituer un Destin. »
Richard Brunel et Catherine Ailloud-Nicolas
15, rue Malte Brun 75020 Paris
Station de taxis : Gambetta
Stations vélib : Gambetta-Père Lachaise n°20024 ou Mairie du 20e n°20106 ou Sorbier-Gasnier
Guy n°20010