Après Le Menteur de Corneille, Julia Vidit revient avec cette fois-ci une comédie de Pirandello, qui jette comme une passerelle entre 1923 et aujourd’hui, pour creuser encore plus la caricature et le sujet, jusqu’à la folie. Et de la folie à la cruauté, il n’y a qu’un pas.
À partir de 14 ans.
Pourquoi Monsieur Ponza, le nouveau fonctionnaire de la petite préfecture, semble-t-il séquestrer sa femme chez lui ? Pourquoi empêcher sa belle-mère, Madame Frola, de rendre visite à sa fille ? Sa conduite a de quoi intriguer les habitants. Très vite, l’émotion grandit, les esprits s’échauffent. Selon Madame Frola, son gendre est fou. Pour Ponza, pas de doute, la folle, c’est sa belle-mère. Qui croire ? Les hypothèses fusent, toutes les théories sont plausibles. Plus on court après, plus elle échappe cette fameuse vérité. Serait-elle relative à chacun, profondément subjective, comme le suggère le personnage Laudisi ?
Après Le Menteur, accueilli au théâtre en 2018, Julia Vidit poursuit sa réflexion sur la vérité au théâtre. Cette fois, elle pousse plus loin la comédie et entraîne ses acteurs dans un jeu qui s’inspire de la caricature. À ses côtés, Guillaume Cayet, signe pour l’occasion un quatrième acte qui porte le coup encore plus loin, jetant comme une passerelle entre 1923 et aujourd’hui. De la folie à la cruauté, il n’y a qu’un pas. Pas sûr que la communauté des hommes se relève indemne de cette quête effrénée de vérité. Comment accueillir l’autre sans heurts, sans violence ? À chacun sa vérité « sociale ». À tous l’humanité, quelles que soient les circonstances ?
« On se délecte du jeu des comédiens, Marie-Sohna Condé, Erwan Daouphars, Philippe Frécon, Étienne Guillot, Adil Laboudi, Olivia Mabounga, Véronique Mangenot, Bathélémy Meridjen, Lisa Pajon, tous excellents dans leur partition dramatique et comique. Ils font, défont et refont des scénarios plus improbables les uns que les autres. Mettent à jour une mécanique du doute et de fabrication d'a-priori creusant l'énigme entre l'illusion et la recherche de la vérité. » L'Humanité
« Dans un formidable décor inspiré des escaliers infinis d'Escher, les personnages jouent avec leur ombre et ne cessent de courir après ce qui leur échappe. La distribution impeccable déploie une irrésistible galerie de portraits : on se régale des querelles du couple Sirelli (Étienne Guillot et Véronique Mangenot), des injonctions d'Agazzi (Philippe Frécon), de la duplicité d'Amalia (Marie-Sohna Condé), de la malice détachée de Laudisi (Adil Laboudi), et de l'étrangeté des deux héros involontaires, à travers le regard dément de Madame Frola (Lisa Pajon) et les spasmes de panique de Monsieur Ponza (Barthélémy Meridjen). » La Croix
« Une telle partition requiert un jeu de haute volée, dépassant les enjeux concrets et la dimension vaudevillesque pour ouvrir vers les vertiges de la folie et de l’incertitude, laissant émerger le comique au cœur de la cruauté et l’inattendu au détour du quotidien. L’équipe de comédiens réussit à inscrire son jeu dans un équilibre choral exigeant et bien orchestré, qui au fil des actes gagne en densité. » La Terrasse
« Cette impossible quête, Julia Vidit l’exfiltre du salon où Pirandello l’avait placée pour l’installer dans une cage d’escalier, comme espace de tous les croisements possibles. Dédale mental autant que labyrinthe psychologique, ce décor conçu par Thibaut Fack matérialise, tout à la fois, fort de ses créneaux, l’engrenage inéluctable dans lequel sont pris les personnages, mais aussi cette mâchoire, puissante, qui progressivement les enserre, jusqu’à les broyer totalement. » Sceneweb
« La mise en scène enferme donc les protagonistes dans les va-et-vient de ces escaliers qui ne cessent de monter pour mieux redescendre, en une interminable illusion d'optique. […] Car après être beaucoup monté, il va falloir songer à redescendre. La vérité se niche parfois moins dans les hauteurs que dans une certaine… profondeur de pensée. » L'Est républicain
Que sait-on des choses et des gens ? Ce qu’on en voit ou ce que l’on croit en voir est, bien souvent, ce que l’on aimerait qu’ils soient ! Sur cette difficulté qu’il y a à cerner la réalité, voilée comme elle l’est par la subjectivité, Luigi Pirandello a écrit en 1917 Così è (se vi pare) en français, traduisons C’est comme ça (si vous voulez). Ce titre a des allures de pied de nez ! Après Illusions, Le Menteur et La Bouche pleine de terre, je continue, avec mes collaborateurs artistiques, de mettre en crise la vérité avec tous les artifices dont dispose le théâtre.
Cette fois, j’entraîne les acteurs dans un jeu qui s’inspire de la caricature, en tant que reflet le plus fidèle de l’individu : grossir le trait pour voir le vrai.
Avec Thibaut Fack, scénographe, nous créons un espace de jeu inspiré des escaliers infinis d’Escher pour activer la situation proposée par le dramaturge italien. Avec l’auteur Guillaume Cayet, auteur et dramaturge complice, je pousse plus loin la comédie de Pirandello en adaptant la pièce originale. Nous interrogeons le texte et son contexte d’écriture pour porter un regard sur l’histoire. Comment Pirandello raconte-t-il le monde, à côté de Mussolini ? Notre réponse se loge dans un dialogue entre théâtre et société, en passant par le passé.
L’ajout d’un acte IV pose une passerelle entre 1917 et aujourd’hui. Nous recolorisons le passé ! À l’heure où nous ne réussissons pas à douter collectivement, où il semble qu’il faille une réponse, même fausse, à chaque question ; prolonger cette œuvre visionnaire, c’est s’amuser à enfoncer le clou comique plus fou, plus cruel. Pirandello lui-même, maître dans l’art de jouer avec les apparences, aurait été inspiré par notre propension à nourrir des rumeurs plutôt qu’à vérifier patiemment des faits. Il ne serait, en revanche pas surpris, qu’au nom de la vérité, la mort continue de s’inviter au cœur du XXIe siècle.
Je m’intéresse volontiers aux œuvres mineures, dont la postérité n’a pas vraiment voulu ! Je ne monte pas les tubes, ils ne m’attirent pas pour l’instant. Les pièces de jeunesse sont souvent le foyer de l’œuvre entière, elles contiennent son auteur et les débordements de son époque. Quand je fais le choix de mettre en scène une œuvre de ce répertoire – au-delà de mon goût pour sa langue, son intrigue, ses personnages et sa dramaturgie – c’est parce qu’elle me jette à la face des problématiques contemporaines. Miroir déformant, elle offre pourtant une photographie nette de notre temps.
Julia Vidit
107, rue de Paris 94220 Charenton le Pont